Tout ce que vous avez voulu savoir sur les atolls des Tuamotu ...sans oser le demander
Des atolls, il y en a partout dans le monde et dans tous les océans (par exemple Las Rocas au Brésil ou Les Chagos dans l'océan indien) mais dans le Pacifique c'est monnaie courante, et aux Tuamotu il n'y a même que ça, 76 atolls pour être précis. On ne va pas faire un cours de géologie ici (https://fr.wikipedia.org/wiki/Atoll)
Aux Tuamotu, beaucoup d'atolls n'ont pas de passe et on ne peut pas rentrer dans le lagon et les mouillages à l'extérieur sont plus que oléolé. Magellan ne s'y est pas arrêté, nous non plus.
Le lagon c'est donc le lac entouré par le récif, récif parsemé d'iles (les motus), motus plus ou moins grands mais qui ne font jamais le tour du lagon, ils sont séparés par des hoa, sorte de fausses passes. L'extérieur du récif, qui découvre à marée basse, on l'appelle le platier.
Un atoll, c'est très plat et, la plupart du temps, le point culminant est à 5 mètres au mieux. Donc les cyclones, rares mais il y en a, lèvent des houles qui passent par dessus le récif et balaient complètement l'atoll.
On ne fréquente que des atolls avec passe(s). La marée rentre et sort par la passe, donc il y a du courant. Quand il y a beaucoup de houle, la mer passe par dessus le récif (par les hoa) et remplit le lagon plus qu'à l'accoutumée et la mer se vide uniquement par la ou les passe(s), donc il peut y avoir pas mal de courant.
Ceci dit, les passes, ce n'est pas si terrible que ça. On nous en fait un épouvantail avec des courants de 15 noeuds et des remous de mascaret en veux-tu en voilà. Notre expérience (plus celles de nos copains) c'est que c'est très raisonnable, bien plus cool que le raz Blanchard dans la plupart des cas. On connait des bateaux qui sont montés sur le récif par manque de vigilance mais pas qui sont montés sur le récif pour cause de courant violent... sauf à Maupiti mais c'est une des iles de la Société, on ira voir plus tard.
Donc, une fois passé la passe on est dans le lagon. C'est bien comme dans les livres, un camaïeu de bleus, du bleu profond au milieu du lagon avec trente mètres de fond au bleu clair dans dix mètres d'eau et au bleu turquoise quasi vert près des bords sur trente centimètres de sable.
En général, les lagons ne sont pas cartographiés ou alors seulement près des passes et près des accès aux villages. Mais la navigation est facile, les patates se voient très bien sauf quand le soleil est trop bas ou dans les yeux (on évite ces heures-là) et sauf quand la mer est d'huile par manque de vent et que les nuages se reflètent à la surface (rarissime).
Un lagon, c'est grand (15 milles de diamètre) et cela peut être très grand (30 milles). Autant dire qu'on ne traverse pas un lagon en dinghy. Autant dire qu'il y a des mouillages bien abrités et des mouillages qui ne le sont pas du tout et que cela dépend du vent.
D'ailleurs les mouillages ne sont pas toujours faciles à cause des patates qui parsèment le fond au bord du lagon. On y a tous pris son ancre un jour ou l'autre, ça réveille la nuit quand la chaine frotte, ça énerve parce que la chaine s'abime (le corail aussi mais on s'en fout un peu), ça énerve parce qu'on ne sait pas si l'ancre remontera toute seule ou s'il faudra forcer au moteur ou s'il faudra descendre en masque/tuba pour la décoincer ou s'il faudra sortir bouteille et détendeur, alors là bonjour l'ambiance. Une solution est est d'attacher un pare-battage à l'ancre tous les vingt mètres pour qu'elle décolle du fond. La vraie bonne solution est de trouver le bon endroit et que le vent ne tourne pas dans la nuit !
Les atolls ne sont jamais inhabités même si certains ne sont désormais fréquentés que pour récolter le coprah. Donc il y a des habitants, les paumotu, qui vivent à quelques centaines dans des villages avec une mairie, une école, un ou deux magasins, un aéroport, un club de plongée et des pensions, une rue, deux au plus. Ils parlent le paumotu, mais aussi le tahitien et le français donc on peut taper la causette. Ils sont hospitaliers, gentils, attentionnés, curieux comme 99,99% des polynésiens et on les aime bien.
Une fois qu'on a passé la passe, une fois qu'on a traversé la lagon pour aller vers les motu qui protègent non pas du vent (on rappelle qu'il font cinq mètres de haut) mais qui protègent du clapot, une fois qu'on a mouillé bien comme il faut sans patates (cent patates ??!!), une fois qu'on a repéré les lieux et salué les autochtones, il est temps de penser à trouver à manger.
Au-dessus de l'eau, il y a les cocotiers qu'on boit, qu'on mange, qu'on râpe pour faire du lait qui va si bien avec le poisson. Et puis le top du top, c'est de repérer un cocotier qui va sur ses cinq ans, qui a poussé dans la broussaille à cheval sur deux ou trois congénères avec qui il se dispute la lumière et le peu de terre. Ce cocotier de 20 cm de diamètre, on l'attaque à la machette, ce n'est pas si dur et après une dizaine de minutes, à couper, ouvrir, écarter, on finit par récolter le coeur qui fait une salade inégalée. Et puis le cocotier c'est le réservoir de nourriture pour les rats (berk) et pour les crabes de cocotier (miam). Ils sont malins ces crabes alors on leur tend des pièges, des noix de coco ouvertes à portée de pinces, mais bien attachées pour pas qu'il les emmène dans leur trou. On les met à la nuit tombante et on y retourne une fois la nuit bien tombée et avec un peu de chance et une bonne frontale et une bonne mémoire pour retrouver l'emplacement des pièges, on y trouve des crabes bien dodus, qu'il faut attraper par les pattes sans se faire attraper par les pinces.
Au-dessous de l'eau, à manger, il y a les perroquets (grillés au feu c'est un délice, bien meilleurs que les perroquets de l'atlantique), les mérous (qu'on pêche au fusil sans se les faire bouffer par les requins), les requins (qui sont cons comme on l'imagine et se font prendre à la ligne du premier coup), les bénitiers (qu'on décroche d'un bon coup de tournevis planté entre les lèvres), les poulpes (pas si simples à dégotter dans les trous), les langoustes (que les initiés - pas nous - savent repérer la nuit sur le platier et attraper sans sourciller),les tortues (mais c'est politiquement incorrect d'en parler), ...
Bref on passe un tiers de la journée à préparer la pêche et la cueillette, un tiers de la journée à préparer les repas, et le troisième tiers à s'en régaler en bonne compagnie. Et on aime ça !!!