Gémir n'est pas de mise... aux Marquises



Les Marquises, 6 iles habitées, 3 au sud (Fatu Hiva, Hiva Oa, Tahuata) et 3 au Nord (Ua Pou, Nuku Iva, Ua Uka) et une dizaine d'ilots inhabités. On les fera presque toutes. On commence par...


Fatu Hiva



 
C'est la première des Marquises que l'on aborde... d'où qu'on vienne, de Panama, de Tahiti, ou des Gambier. Faut dire que le vent est généralement SE et que justement Fatu Hiva est au SE de l'archipel. On arrive dans la baie des vierges, des cierges ou des verges, comme on veut, ce sont d'impressionnants pics qui tombent dans l'eau. Baie magnifique, surtout le soir quand le soleil rase et que les verts de la végétation et les bruns des rochers sont  dans leurs meilleurs atours.
On a bien aimé...Les Marquisiens en général, et en particulier les très accueillants Poi et Reva ou Tahiki et Marie Iris. Bizarre ce dernier prénom... En fait la plupart des Marquisiens ont un prénom marquisien et un prénom français et souvent il est impossible pour nous de mémoriser les cinq ou six syllabes du prénom Marquisien. A Fatu Hiva, on trouve les meilleurs sculpteurs sur bois et sur pierre de toute la Polynésie. Ils font des tikis (=statuettes), des gamelles, des casse-têtes, des ukulélés, des poignards, des paniers et tout ce qu'on leur commande. Donc on a maintenant une râpe à coco aux dimensions de l'équipet, un dessous de plat aux dimensions de la table de cockpit et même une écope, mais là ce n'est pas sûr qu'elle soit très efficace.

On a moins aimé...Le mouillage : la baie est assez étroite une centaine de mètres pour 300 mètres de profondeur et quand il y a plus de 10 bateaux (ce qui était le cas pour nous) les bonnes places sont chères. Si tu te mets trop près de la berge, le fond est rempli de galets qui roulent et ton ancre ne croche pas. Si tu te mets trop loin, tu mouilles dans 35 mètres d'eau ! Allez on n'était pas si mal avec nos 25 mètres de fond et personne de dangereux aux alentours immédiats. Mais ce n'est pas toujours cool car, quand le vent souffle dehors à 20 noeuds, il y a des rafales à 40 noeuds dans le mouillage, c'est beaucoup et en plus le vent vient de tous les sens et les bateaux évitent n'importe comment. Et ce n'est pas tout, les européens mouillent avec que de la chaine (compter 70 m pour être tranquille) mais les américains mouillent avec peu de chaine et beaucoup de câblot et les bateaux ne rappellent pas du tout de la même façon. Donc de temps en temps, il y a du touche touche, voire de l'énervement, finalement comme à Port-Cros, qu'est-ce qu'on est venu faire ici....

On a bien aimé... La balade vers Ouia (et non pas la balade à Ouia). Ouia est le troisième village de l'ile avec Hanavave  (le mouillage) et Omoa (le chef-lieu) moins abrité. Mais Ouia est abandonné depuis quelques dizaines d'années, fréquenté uniquement par les chasseurs et par les ramasseurs de bois à sculpter. On nous avait dit 2 heures depuis le col, on s'est donc fait monter en voiture au col (route impressionnante comme celle de Villard Notre Dame pour les connaisseurs). On est parti, le sentier était détrempé mais identifiable, les descentes délicates, les montées raides, et au bout de deux heures et demi on voyait loin devant le fond de la vallée qu'il nous restait à traverser pour arriver à la mer. A l'unanimité, on a fait demi-tour, mais la journée dans cette jungle était magnifique.

On a bien aimé... Lionel, seul sur son ovni en route pour son deuxième tour du monde, qui connait plein de choses et les partage bien volontiers. Bon la pêche à la langouste à 3 heures du matin qu'il m'a imposé s'est révélée improductive mais c'était à cause de la lune, trop présente dans la nuit pour que les langoustes sortent de leur trou.

On a bien aimé...le mouillage à la journée à Omoa, un peu rouleur mais l'Aranui était là avec ses 150 touristes. Du coup toute l'île était à son poste pour montrer son artisanat et sa gastronomie et son histoire.

On a bien aimé...La messe, si si la messe, dans la petite église. On est arrivé à mi-office en pensant rester près de la porte mais on s'est fait propulser dans les premiers rangs mais cela vaut vraiment la peine. Ils chantent très très bien et beaucoup et les baratins marmonnés entre les chants ne nous hérissent pas le poil puisqu'on n'y comprend rien.

Hiva Oa


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Deuxième île des Marquises en superficie et en population, c'est cependant celle avec le plus mauvais mouillage. Le port est très ouvert aux vents dominants, il y a une forte marée, et aucun espace bien pour accoster et laisser son dinghy quelques heures. Et il y a beaucoup de voiliers, trop de voiliers, et surtout des voiliers étrangers qui pour la plupart viennent ici pour faire leurs papiers d'entrée en Polynésie française. On y aura subi beaucoup de pluie, des fortes pluies qui durent toute une journée, avec des cascades qui se forment dans la montagne en quelques heures, mais peut-être moins de pluie que d'autres voiliers qui y étaient passés quelques semaines avant nous.

Et cependant, on y a bien aimé:

- une escapade à pied/stop sur le site de Taaoa avec les vestiges de maré et un tiki bien conservé en pleine nature

- un tour de l'île en 4x4 avec Mathieu et Louise du petit voilier rouge et Alec comme chauffeur/guide. Visite au tiki souriant tout d'abord, puis on remonte la piste jusqu'au Nord de l'île, piste escarpée avec des vues plongeantes sur les baies de cette côte NW, on déjeunera sur la plage à Puamau après avoir vu le site des marés et des tiki (le grand tiki de 2m60, le tiki femme en train d'accoucher, le tiki à l'envers, etc...), et on finit par la vallée de Hanapaia qui nous conduit à la très jolie baie du même nom, où l'on ramassera beaucoup de citrons tout en contemplant la tête de nègre au milieu de la baie, journée bien remplie et en très bonne compagnie

- l'espace culturel Gauguin même si ce ne sont que des copies de ses tableaux qui sont présentées, mais ce sont des jolis sujets de peinture, et on a été agréablement surpris. Même chose pour l'espace Brel où l'on peut admirer son avion perso qu'il a bien utilisé au profit des habitants de l'île, et où l'on nous aide à nous remémorer de visu et par le son toutes les qualités de Brel et de son oeuvre.
Quelques extraits de paroles de Brel, triées sur le tas.
    a. "J'aime tout ce qui ressemble à une bataille. Il faut être en difficulté, je crois, toute sa vie. Quand les choses fonctionnent bien, c'est qu'on va vers la grisaille immédiatement. C'est à dire qu'on commence à se poser des problèmes qui sont des problèmes de luxe, des maladies de luxe."
    b. "La bêtise. C'est la mauvaise fée du monde. C'est la sorcière du monde. La bêtise c'est un type qui vit et il se dit : je vis, je vais bien, ça me suffit. Il ne se botte pas le cul tous les matins en disant : ce n'est pas assez, tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses. C'est de la paresse, je crois, la bêtise. Une espèce de graisse autour du coeur et du cerveau."
    c. "Je crois qu'un homme est un nomade, il est fait pour se promener, pour aller voir de l'autre côté de la colline. Un homme c'est fait pour être mobile. Un homme, c'est fait pour bouger. C'est pas fait pour s'arrêter. C'est fait pour continuer et pour mourir en mouvement éventuellement. Tout le malheur vient toujours de l'immobilité. On use les choses en étant immobile."

- la rencontre avec Alec Mu (prononcer Mou, sinon les habitants de Hiva Oa ne le reconnaissent pas, lui en fait il est originaire de Raiateia), Taua sa femme (d'une grande famille de Hiva Oa), Hinae leur grande fille et Temerama leur petit de 8 ans. On a beaucoup échangé et communiqué sur leur vie à eux, la vie en Polynésie, la vie en métropole, .... On a mangé ensemble à plusieurs reprises, avec les spécialités culinaires de chacun. Ce furent de bons moments.


Tahuata







 
A quelques milles de Hiva Oa, il y a un petit paradis, Tahuata avec ses noms de baies et de villages que l'on n'arrive pas à retenir Hanatefau, Hanamoenoa, Hanatetena, Hapatoni, ...

Hapatoni, enfin un mouillage calme et pas trop rouleur. D'ailleurs les dauphins l'ont bien compris et la baie est une nursery où l'on vient enseigner aux jeunes comment vivre sa vie de dauphin. On profite profite du spectacle.

Plus qu'en Atlantique, les voiliers se suivent Panama, Parlas, Galápagos, Gambier, Marquises. On se croise et on se recroise c'est sympathique et prétexte à libations. Hier on était sept bateaux, aujourd'hui trois. Demain c'est à nous de partir,  vers les iles du Nord Ua Pou et Nuku Hiva.

Mais Il pleut. Il pleut trop souvent. Cela fait trois mois que ça dure paraît-il. Probablement une conséquence de El Nino qui semble-t-il fait son intéressant une seconde année consécutive. On raconte qu'il y a quelques années, il a plu toute une année. Les tomates et autres légumes n'apprécient pas et se font rarissimes. Par contre les bananes, les mangues, les pamplemousses adorent et abondent. Mais bon, il fait chaud, on sèche vite, cela n'empêche pas de faire de grandes balades comme on les aime.

Mais le plus extraordinaire aux Marquises et plus particulièrement à Tahuata, ce sont les Marquisiens et plus particulièrement les habitants de Hapatoni. Une centaine,  une seule grande famille, les jeunes vont pêcher (comme ils disent)  leur mari ou leur femme sur une autre Marquise ou à Tahiti, voire en France ou en Chine.
Tehina, Kalino et les autres ont un sens de l'accueil hors du commun et on en profite, on échange de petits cadeaux, on achète beaucoup trop de souvenirs (mais à qui on va bien pouvoir donner tous ces tiki et autres colliers)...

Le village vit de la sculpture sur os (ce sont les leaders incontestés des colliers de guerriers en dent de cochon ou des poignards en rostre d'espadon ou des tiki en fémur de boeuf) et du coprah (noix de coco séchée qui sert à faire de l'huile et du monoi). Mais le coprah a besoin de soleil pour sécher et ce n'est pas terrible en ce moment. Le coprah en Polynésie, c'est comme les bananes aux Antilles, le gouvernement l'achète cinq ou six fois son prix de marché pour soutenir un peu l'économie locale.