En allant aux Marquises, quelques souvenirs des Gambier

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-20.92;-135.39;30/04/2017, Gambier-Marquises, J1;Voilà, on reprend nos petits messages à l'heure de la méridienne, synonymes de traversée et donc de temps libre. Cette fois-ci, Gambier-Marquises, 800 milles, cela va durer une petite semaine. Après un bon départ hier à 10h00,le vent faiblit inexorablement depuis ce matin et on est au moteur pour quelques heures. On va profiter de ces huit jours pour raviver et partager les souvenirs des Gambier, aujourd'hui... 




 
Les patates de corail
Elles affleurent à quelques centimètres sous l'eau à marée basse, on les contourne pour trouver le bon mouillage, on les touche de temps en temps quand le soleil ne donne pas la bonne lumière.
A Taravai, dans les trains d'annexes qui s'en retournaient aux bateaux toujours un peu trop tard après le coucher du soleil, il y avait toujours au moins une hélice qui touchait et un équipage qui jurait.

Sur ces patates, il y a d'immenses coraux avec des bleus, des mauves et des violets inconnus en Atlantique, il y a plein de petits poissons multicolores, et plein de gros poissons perroquets bien fermes, et plein de carangues appétissantes, et plein de mérous de bonne taille mais ils ont tous la "gratte", la ciguatera, une micro-algue toxique qui s'accumule chez les poissons et qui te donne une fièvre de cheval que le chikungunya (jolie, l'orthographe,hein ? merci wikipedia), le zika et la dengue réunis ne sont que broutilles à côté.

Heureusement il y a les (très nombreux) utumare, poissons chirurgiens à queue orange (donc très identifiables) qui ne consomment pas la dite algue et qui sont eux parfaitement consommables.

Malheureusement, ils ont la bougeotte ces poissons et il faut une sacrée quantité d'air pour attendre au fond, le fusil pointé, qu'ils veuillent bien se rapprocher.

Heureusement, il y a Hervé de Taravai, excellent chasseur, parce que si on ne comptait que sur notre pêche à nous les popa'a, ce serait bien maigre.

Malheureusement, il y a toujours le requin de service, point noire ou pointe blanche, qui se pavane aux alentours. On a beau savoir que le requin n'attaque pas l'homme, le sait-il vraiment, lui ?

Tout ça pour dire que sur ces patates de corail, on a fait de jolies photos et de magnifiques promenades sous-marines mais on n'a guère mangé de poissons. Demain on parlera des chèvres, plus souvent au menu.


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-19.04;-135.96;01/05/2017, Gambier-Marquises, J2;Quasi 24 heures de moteur depuis hier matin, pas top, on le savait, et on est partis quand même.... Après ça aurait pu être pire avec du vent dans le nez .... Mais il fait beau, et chaud, alors on se plaint pas, peu de vie animale marine ou céleste, et on a remis le spi il y a quelques heures. Souvenirs des Gambier, aujourd'hui ...






 
Le four polynésien
C'est prévu Vendredi chez Valérie et Hervé à Taravai, avec l'anniversaire de Jean-Loup comme prétexte. Déroulement :
1.    Hervé a tué la semaine avant un cochon,  et il reste trois pattes de chèvre de la dernière expédition à Makaroa.
2.    Mano apporte la veille des buches de filao, le bois de fer, qu'il faut tronçonner et fendre, pas à la portée d'un amateur vu la dureté du bois (de fer on a dit).
3.    Dans un trou dans le sable (2m x 1m x 50 cm), on met de la bourre de coco, un gros tas de bois de fer surmonté d'un gros tas de pierres noires de lave.
4.    On râpe une douzaine de cocos.
5.    C'est fini pour aujourd'hui.
6.    Le lendemain à 5h00, on allume (allez un peu d'essence quand même) et à 7h00, il n'y a plus de bois et les pierres sont blanches et au fond du trou.
7.    Quelques troncs de bananier écrabouillés pour isoler un peu et on met la viande marinée et empaquetée et le poï (amidon + bananes).
8.    On couvre abondamment avec des feuilles de bananier et on recouvre de sable pour que chaleur et fumée ne s'échappent pas.
9.    Concession au modernisme, on a mis aussi une bâche plastique pour être sûr de ne pas manger trop de sable.
10.    De son côté, Ah-Tak a préparé urus (fruits à pain) et tairo (coco fermenté).
11.    A 13h00 on ouvre et on déguste avec du vin panaméo-chilien, il en reste un peu.
12.    Ca ressemble à du gigot de neuf heures dans le four à pain des Adrets, mais avec un petit gout d'exotisme et de fumé en plus.
13.    Que c'était bon !!

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-17.11;-136.18;02/05/2017, Gambier-Marquises, J3; Le vent est reviendu, le spi est remonté, la bonne humeur est retrouvée, les milles sont avalés, on aura compris que tout va bien... A part peut-être le pain qui moisit trop vite, les bananes qui murissent toutes ensemble, la bière qui est bientôt terminée, les copains des Gambier qui nous manquent un peu... La vie de bateau, quoi ! A la méridienne de ce jour, il reste 425 milles pour Fatu Hiva. On a passé cette nuit l'atoll de Reao (sans passe) à 10 milles, rien vu mais de toute façon, l'arrêt est improbable vue la houle perpétuelle, il faut autre chose qu'un petit zodiac gonflable de 2m50. La mer est désormais libre jusqu'aux Marquises. Souvenirs des Gambier, aujourd'hui...





 
Les chèvres et les cochons
Le plus beau cadeau qu'on peut donner à un Mangarévien qui n'en a pas, c'est un fusil de chasse, mais bon, on ne va pas se faire trafiquant à nos âges. Ceci dit on aurait dû amener des cartouches parce qu'un fusil ça s'emprunte mais les cartouches non.

Le gibier aux Gambier, ce sont les chèvres et les cochons.
Enfin les cochons sont quand même domestiqués, mais les gros on les abat au fusil, c'est plus facile. Ils sont dans la nature mais reviennent derrière la maison manger les noix de coco qu'on leur ouvre tous les jours. Sacré boulot, chercher, porter, casser, ramasser, jeter... et il faut avoir vu At-hak, cassant cinquante cocos à la minute, la hache passant a 10 centimètres du groin du gourmand. Sans eux (les cocos), ils (les cochons) ne reviendront plus et alors là pour les trouver et les abattre, bonjour.

Les chèvres, elles, galopent dans la montagne et il y en a sur toutes les iles et sur tous les ilots. Sans doute plusieurs chèvres par habitant. Et comme tout ce qui vit et pousse ici, il y a un propriétaire, gare !!

Encore faut-il avoir l'agilité nécessaire pour les pister et l'acuité pour les voir et la précision pour les tirer et l'orientation pour aller les chercher. Les polynésiens naissent et vivent tous avec ces habiletés, nous moins souvent et moins longtemps.

Sur certains ilots, les piafologues tahitiens sont énervés par ces chèvres sauvages qui, non contentes de brouter la végétation, mangent les oeufs des oiseaux qui y reviennent nicher. Déjà que c'est difficile de se débarrasser des rats, alors si les chèvres s'y mettent... Ils mandatent des chasseurs professionnels pour éradiquer la dite espèce et relaisser la place aux oiseaux. Sur Makaroa, ils en ont tué une quinzaine, on en a récupéré une.

Ceci dit la chèvre est coriace, très coriace. Il faut soit la mettre dans le four polynésien (voir un autre souvenir), soit la faire bouillir deux heures avant de la cuisiner mais alors quand la chair parfumée se détache toute seule de l'os, quel régal.


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-15.00;-136.76;03/05/2017, Gambier-Marquises, J4; spi, spi, spi, on ne se plaint pas. Bizarre quand même ces traversées de 6/7 jours, à peine partis qu'on a envie d'être arrivés. Nos observations instantanées (qui n'ont donc pas valeur statistique) semblent indiquer que l'alizé est beaucoup moins régulier dans le Pacifique que dans l'Atlantique. Des écarts de 30 degrés et de 30 % de vitesse sont monnaie courante et on règle souvent cap et écoute. Par contre les grains sont plutôt rares et beaucoup moins méchants que du côté des Caraïbes. Souvenirs des Gambier, aujourd'hui ...



 
Le pamplemousse
Le pamplemousse, c'est peut-être le fruit emblématique de la Polynésie. Il est bien plus gros que son homologue de Floride ou d'Afrique du sud. Il fait couramment deux kilos et on rapporte qu'il y en a de plus de trois kilos.

On se demande d'ailleurs comment le pamplemoussier arrive à maintenir en l'air cette centaine de ballons de foot verts ou jaunes. Et des pamplemoussiers il y en a partout partout. La plupart du temps avec quelques dizaines de pamplemousses par terre. Il n'y a qu'à se baisser pour les ramasser. Oui, mais attention, il n'y a pas de pamplemoussier sauvage. Il faut demander d'abord. Le polynésien est généreux mais le polynésien est susceptible et jaloux de sa propriété. Le polynésien ne ramasse pas les fruits par terre, mais un pamplemousse par terre est un pamplemousse qui va nourrir la terre, pas un pamplemousse à l'abandon. En fait il ne faut pas vraiment demander, il suffit de dire bonjour et d'entamer la conversation pour que vienne rapidement la phrase "Au fait, prenez donc des pamplemousses".

On aura donc compris que le filet du portique est souvent rempli de pamplemousses.

On pourrait dans ce souvenir remplacer le mot pamplemousse par citron (ah ces caïpirinhas de rêve), par papaye (verte et rapée en salade, bien mure orange sanguine au petit déjeuner, en gratin avec du potiron, en smoothie avec de la banane), par uru (fruit de l'arbre à pain absolument délicieux en purée, en frites, en morceaux trempés dans du lait de coco), par mangue ou litchee (quand c'est la saison à noël, dommage), par caramboles (le préféré de l'un de nous deux), par avocats (le préféré de l'un de nous deux), sans oublier les bananes.

Mais le pamplemousse a quelques caractéristiques spéciales:

D'abord il est difficile et long à préparer. Donc c'est un peu un cérémonial, au petit déjeuner qui dure ou à la pause au retour de la balade ou accompagnant une longue conversation de cockpit.

Ensuite il est gros et donc on en mange beaucoup, les effets (voir ci-dessous) sont d'autant plus marqués.

Mais surtout il a un effet laxatif absolument incomparable sur certaines personnes qui d'ordinaire n'en ont pas besoin.
J'en ai vu, obligés d'interrompre une séance de chasse sous-marine pour foncer au bateau en annexe.

Corollaire, il a un effet désinhibant et les blagues scatologiques fusent (d'ailleurs ceci en est une !).

Et enfin, il a un effet hilarant et communicatif sur l'entourage immédiat. Pour preuve les crises de fou rire avec Yao, Jean-loup étant logé à la même enseigne que l'un de nous deux.

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-12.86;-137.63;04/05/2017, Gambier-Marquises, J5; Comme d'habitude les gribs sous-estiment un peu la force du vent et les 13 noeuds qui nous accompagnent depuis hier sont les bienvenus. Du coup on arrivera demain soir, tôt avec le soleil si le vent se maintient, ou tard avec la lune s'il est conforme au modèle qui le voit s'essoufler. On essaie à midi le gratin de Marianne, potiron + papaye, donc ton sur ton, sucré sur salé, on vous dira.  Souvenirs des Gambier, aujourd'hui ...





 
Les balades
Le point culminant des Gambier c'est le Mont Duff du haut de ses 450 mètres d'altitude, alors bien sûr en bon grenoblois que nous sommes on y est monté. C'était par un temps suffisant pour avoir la vue, et notamment voir Orionde au mouillage de Rikitea, mais pas beaucoup de soleil, donc les couleurs de l'eau du lagon n'étaient pas fantastiques, dommage. Il nous a bien fallu une heure trente pour gagner le sommet, c'était un peu raide par endroits, il y avait des passages même équipés de cordes, mais c'est plus en raison des aiguilles de pin très glissantes qui recouvrent le sentier que du caillou en dessous. On était avec deux autres voiliers, bonne ambiance, et en redescendant on s'est fait une belle orgie de pamplemousses sauvages, que l'on a pu regretter par la suite....

En plus du tour de l'île de Mangareva en voiture par un jour de grand vent, nous avons fait quelques autres petites balades sympas sur cette île principale des Gambier. Comme le sentier traversier de Kimirico qui nous a conduits près de la maison d'André avec ses fruits de l'arbre à pain. Comme le chemin des 12 apôtres avec la maison d'Ah-tak & Ilona tout au bout sur la plage (Ah-tak se prend pour le treizième apôtre), chemin pas facile quand il faut le remonter à la nuit tombante. Et puis comme la jolie balade de la baignoire de la princesse derrière le couvent (ou ce qu'il en reste) avec une végétation bien fleurie (alpinia, oiseaux du paradis, ...) et très bien entretenue du fait de la visite de l'évêque sur l'île pour la semaine de Pâques.

Nos deux coups de coeur de balades ça a été sur deux autres îles:

- Les hauts de Taravai par un sentier non balisé mais en étant très bien guidés par Hervé, il fallait être en pantalon et avec des manches longues pour ne pas se faire piquer par les guêpes ou couper par les roseaux ! La végétation est très dense, et sans Hervé nous n'aurions pas pu faire cette balade tous seuls, en fait on était avec trois autres voiliers, la pente était raide et bien glissante. Nous avions tous mis des bonnes chaussures de marche sauf Sergine, et Hervé lui a fait la balade pieds nus (!). Sur la crête nous avons pu voir les pièges à chèvres qu'Hervé utilise régulièrement l'obligeant à sillonner plusieurs fois par semaine cette petite montagne (200 mètres d'altitude quand même). Au retour sur la plage Valérie nous attendait avec son beau sourire et un jus d'oranges amères bien frais, c'est ça le sens de l'accueil polynésien.

- Le sommet de Mekiro, du haut de ses 70 mètres max, est celui qui nous a le plus époustouflé pour la vue sur les belles eaux turquoise du lagon d'Akamaru. Il faisait très beau ce jour-là, les voiliers étaient mouillés sur la côte ouest d'Akamaru, et avec Jean-Loup de Yao nous avons gravi tout bien comme il faut ce tout petit sommet de l'île de Mekiro surmonté d'une croix blanche, encore une fois avec un sentier bien raide et assez glissant, et nous avons vu quelques chèvres qu'on dérangeait.  Depuis la crête nous avions une vue magnifique sur les autres îles (Mangareva, Taravai et Akamaru surtout) et sur le lagon, on est resté un bon moment à contempler tout ça tout en faisant des allers-retours sur la crête.

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-11.11;-138.41;05/05/2017, Gambier-Marquises, J6; On aura fait 40 heures de spi, 40 heures de genaker, 40 heures de moteur, le génois n'aura pas beaucoup travaillé. Vus les trois noeuds de vitesse pour les sept noeuds de vent, on verra peut-être même se lever le soleil derrière Fatu Hiva en mouillant dans la baie des Vierges (ou des Verges ou des Cierges selon les époques et les cartographes). On arrive donc à une des ces escales emblématiques dont on rêve depuis deux ans. Pourvu qu'elle soit (et que nous soyons) à la hauteur du rêve.  Souvenirs des Gambier, aujourd'hui ...












 
Les mouillages et les villages
Le mouillage de Rikitea, c'est paraît-il le meilleur de la Polynésie. La baie est ouverte au vent dominant mais on est dans un lagon du lagon et derrière des patates affleurant, donc pas de vagues. On mouille dans 17 mètres d'eau, merci les 80 mètres de chaine de Grenade.

On est une douzaine de bateaux, loin des trente mentionnés dans les blogs, une histoire de saison peut-être. Il y a quelques bateaux "polynésiens", arrivés il y a quelques années et qui depuis se mettent en orbite sur la boucle des cinq archipels. Il y a les bateaux voyageurs, qui viennent de Panama ou de la Patagonie, en passant ou pas par l'ile de Paques.  Il y a une toute petite moitié de français, les autres viennent de l'Europe du Nord ou plus rarement des Amériques.

On fera de jolies photos du mouillage, d'abord en montant au Mont Duff qui surplombe Rikitea puis en zigzaguant au-dessus des bateaux avec le drone de Charlotte.

Tout ce petit monde, depuis le camp de base de Rikitea, écume les mouillages paradisiaques de Taravai village (devant chez Hervé et Valérie ou devant chez les voileux sédentarisés Pierre et Laurence), d'Agakauitai (devant chez Edouard et Denise et leur jardin), de Tauna (entre autres pour les fans de Kitesurf), de Taurauru-Roa (devant la ferme perlière d'Eric), d'Akamaru , d'Onemea et d'Aukena (on a raté ces deux-là) . Et on revient pour faire les courses quand le bateau (Taporo ou Nukuhau) est passé avec les légumes et le gasoil ou on revient se mettre à l'abri du front froid et de ses vents tournant  ou on revient juste voir les copains.

C'est le grand avantage de ce concentré de Polynésie (l'archipel c'est un atoll de 20 km de diamètre), on reste au même endroit tout en bougeant tout le temps. Du coup on prend nos repères au village de Rikitea, on devient des habitués.

Habitués de la baguette matinale, mais en fait c'est Ricky de Masquenada qui se chargeait (à 5heures et demi du mat !!) d'aller en chercher une demi-douzaine  et de les poser délicatement dans chaque cockpit, avec un petit bruit qui te fait juste te retourner sur ta couchette pour mieux te rendormir. Le boulanger nous aura aussi préparé pour partir aux Marquises les plus énormes miches jamais vues.. On n'a pas tout mangé avant la moisissure.

Habitués de Chez Jojo, snackbar et magasin - avec entre autres Vatea l'archétype du Mangarévien sympa, généreux, disponible, un peu grassouillet mais sur Orionde il y en a qui ferait mieux de regarder leur nombril !  Chez jojo avec le meilleur Internet de l'archipel, ou plutôt le moins mauvais, et on y trouve les produits essentiels gaz, bière, essence, épicerie, ...

Habitués de la poste et de la postière qui a le monopole du bureau de change, de la banque, du téléphone mobile, et du courrier. Plutôt sympa ("Comment ça va ce matin", plutôt pas pressée ("Revenez lundi"), plutôt hésitante ("Ah bon il ne faut pas voter pour elle ?")

Habitués de Dany et de son groupe de danseurs qui répètent trois fois par semaine dans le terrain de sport en face des bateaux. Danses polynésiennes avec force percussions et mouvements des bras qui miment la pirogue, la pêche et plein d'autres choses que nous ne comprenons pas. Il faut voir Dany et sa mère Monica, la garante des traditions, discuter, en mangarevo-français, de la gestuelle exacte. Il se prépare à la fois un festival de danse polynésienne en Nouvelle-zélande et la fête du Heiva au mois de Juillet, le grand moment de l'année pour lequel on passe le reste de l'année à fabriquer des costumes en peau de bananier.

Habitué de l'église, pardon de la cathédrale. 1200 places, excusez du peu. Elle a été rénovée il y a quelques années et toute pimpante expose ses crucifix incrusté de nacre locale. On s'est fait un ou deux offices pour le plaisir d'écouter les chants qui les accompagnent (c'est juste dommage qu'ils parlent ou marmonnent entre les chants). Des églises il y en a aussi une demi-douzaine sur les autres iles, Taravai, Akamaru, Aukena, Taku, faut dire que les missionnaires ont fait leur boulot à fond quitte à massacrer la culture locale. Mais les mangaréviens restent très reconnaissants à ce Père Laval qui a sévi entre 1830 et 1870, syndrome de Stockholm peut-être ?

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-10.47;-138.67;06/05/2017, Fatu-Hiva, Marquises; Nous y voilà, arrivée à 10 heures du soir. Traversée clémente s'il en fut. Il fait beau, les montagnes se découpent bien au clair de lune. On mouille derrière la dizaine de bateaux, par 25 mètres d'eau. On verra si on peut se rapprocher demain. Pas encore de souvenirs à des Marquises, dernier souvenir des Gambier, aujourd'hui...





 

Les perles et la nacre
Une journée merveilleuse en Polynésie : départ sur Orionde après l'heure du petit-déjeuner pour l'atoll de Tarauru-Roa avec Marianne et Jean-Loup qui ont laissé leurs deux chiens et leur voilier Yaoh au mouillage de Rikitéa. Petite brise, mer très calme, l'aller se fera au moteur. La veille nous avions rencontré Eric S propriétaire d'une grosse ferme perlière qui nous avait donné son accord pour visiter sa ferme ce jour. Pourtant c'est le jour où il doit amener sa toute nouvelle pelleteuse/terrasseuse sur son île, et il ne décide pas de l'heure.... mais Eric est très gentil avant tout. Après une heure trente de navigation nous jetons l'ancre dans de l'eau très transparente, avec des patates de corail pas loin qui nous font voir leurs belles couleurs ocre tacheté de bleu-mauve. Il faut zigzaguer entre les patates avec l'annexe pour atteindre la plage de l'atoll de la ferme perlière. Ca colle bien car c'est le moment où la barge de Mangareva amène sa terrasseuse à Eric, donc il est bientôt disponible envers nous, ce qu'il vient nous signifier.  Nous marchons le long de la plage 15 mn environ jusqu'aux premières maisons vers le Sud. Deux chiens, des travailleurs en tenue dans une petite bicoque qui donne sur l'eau, ils sont occupés à leurs tâches, et nous attendons sagement l'arrivée d'Eric (cf photo) pour poser des questions.

Bien sûr on a lu ce que disait le Lonely Planet à propos de l'élevage de la perle, et de la particularité de l'archipel des Gambier, lagon bordé par un récif donc protégé mais aussi bien ouvert avec beaucoup d'échanges avec la pleine mer, des conditions idéales pour l'huitre Pinctada margaritifera. De toute façon Eric ne nous laissera pas poser toutes nos questions, il a fait des études supérieures (ingénieur en electro-technique) et il commence ses explications par là où il faut.  Tout d'abord la sélection, le ramassage et l'élevage des huitres jeunes qui vont devenir fabriqueuses de perles nacrées, c'est la phase des collecteurs, sortes de balais de chiottes souples et très longs sur lesquels vont se nicher les petites huitres jusqu'à atteindre l'âge "adulte", ça dure entre un an et 18 mois, et c'est dans certaines zones du lagon que ça produit bien. La coquille de l'huitre a de la nacre secrétée par son manteau épithélial, mais cette huitre fabrique aussi parfois des petites billes de nacre, plutôt piriformes et très irrégulières quand leur fabrication est dite naturelle, en fait suite à un corps étranger qui se serait introduit dans son organisme et qu'elle recouvre alors d'une pellicule de nacre. Et là toute l'astuce consiste à i) greffer chaque huitre  avec un bout de manteau épithélial d'une huitre donneuse (sacrifiée), bout  qui est délicatement introduit à l'aide d'une pince fine dans la gonade de l'huitre receveuse, cf photo, et ensuite ii) glisser à l'intérieur de cette huitre (toujours dans sa gonade) un moule bien rond, de 6 à 12 mm de diamètre, il s'agit d'une petite bille appelée nucleus, fabriquée de façon industrielle à partir de débris de coquillages (souvent des moules),  et ce de façon à ce que l'huitre fabrique une épaisseur de quelques mm de nacre autour de cette bille "nucleus".
Une fois l'huitre greffée, il faut la remettre à grandir encore dans le lagon, sur des supports en plastique, avec environ 30 huitres par support, ces supports étant immergés à entre 5 et 10 mètres de profondeur. Les huitres doivent rester longtemps, dix-huit mois, immergées de façon à ce que la nacre ait le temps de se former autour du nucleus. Durant ce temps, pour empêcher la pénétration de saletés (corps étranger) dans l'huitre, il faut nettoyer sa coquille tous les mois et demi environ, ce qui représente un gros travail. Certains le font sous l'eau en plongée (de moins en moins), d'autres sortent les supports plastiques sur un bateau et nettoient à l'aide d'un karcher (moins fatigant, c'est ce que fait Eric, cf photo), et quelques-uns utilisent une machine à nettoyer les nacres (rares ils sont). 
Et le tour est joué, on obtient ainsi des perles bien rondes, de couleur foncée, noire, verte ou mauve.  Il ne reste plus qu'à récolter les huitres arrivées à maturité de leur perle, elles sont comptabilisées et tracées, ce qui permet de connaître le rendement de chaque greffeur, rendement en terme de prise de la greffe ou pas (ça ne réussit pas à tous les coups, les bons greffeurs ont un taux de réussite de 70 %), et de qualité de la perle (réussite dans le choix des bouts de manteau épithélial qui ont été greffées). En fait il faut être Eric pour se préoccuper aussi bien de tout ça, avec tout dans la tête, d'autant qu'en plus de son diplôme d'ingénieur il a aussi fiat des études de gestion. Ce qui l'intéresse c'est l'optimisation, le rendement, diminuer sa masse salariale, améliorer encore si possible la qualité de ses perles etc.... Il a été à bonne école, puisqu'il a travaillé pendant 10 ans dans une ferme perlière de son oncle W qui est le plus gros possesseur de fermes perlières des Gambier, et peut-être même de la Polynésie. Eric a démarré son exploitation en solo il y a 10 ans environ, il a bossé comme un fou sans grande rentrée d'argent pendant 3 ans, maintenant il travaille (toujours beaucoup) mais il gagne bien sa vie aussi, il a 12 travailleurs, il est tout à fait indépendant  pour la commercialisation de ses perles, essentiellement en direction de la Chine et du Japon.
Voilà, nous avons passé deux bonnes heures avec Eric, c'était passionnant, on espère le revoir à Tahiti (commande de perles). Et puis avant de nous en retourner à la voile à Rikitea, nav très agréable, nous avons profité du temps ensoleillé et toujours calme pour une belle petite séance de snorkeling dans la passe entre deux îles, de l'eau remarquablement claire, beaucoup beaucoup de poissons, quelques requins (comme d'hab) et des coraux magnifiques. Le vrai bonheur de la Polynésie quoi .....