La traversée Panama-Gambier et premier contact avec la Polynésie
En fait cela a été Panama-Pitcairn-Gambier puisque la variante a été possible. mais on parlera de Pitcairn ailleurs.
On ne va pas refaire ici un feuilleton au jour le jour, voir http://info.lesphinx.eu/yves/orionde/route.php, juste un petit résumé.
Nous avons eu beaucoup de chance et, ne soyons pas trop modestes, un peu de mérite.
Quand on lisait les blogs et les récits de ceux qui avaient fait cette traversée, ce n'était pas jojo. On y parlait beaucoup de houles croisées qui rendent la vie difficile et certains, écœurés, ont même mis la barre à droite pour bifurquer sur les Marquises. On y parlait de calmes éprouvants avec des journées et des journées sans aucune ride sur l'eau. On y parlait de courants contraires notamment celui de Humboldt et quand on fait deux nœuds et qu'il y en a un et demi subtilisés par le courant je te laisse calculer la distance parcourue en 24 heures. On y parlait de fronts froids avec leur cortège de grains forts et de vents d'ouest, donc dans le pif. On y parlait de températures en dessous de 20 degrés, de quoi mettre un pull pour celui qui est de quart et une couverture pour l'autre.
Eh bien, que nenni. Nous n'avons rien eu de tout ça.
L'alizé des Caraïbes soufflait bien fort et passait par-dessus l'isthme de Panama et nous a accompagné pendant 600 milles.
Ensuite la ZIC nous a évité et donc pas d'orages et "juste" trois jours de calme avant de retrouver l'alizé du Sud-Est qui ne nous a plus lâché.
Bon il a bien été un tantinet faiblard un peu avant Pitcairn et un peu avant Gambier mais en restant dans les limites du raisonnable (pour nous la limite raisonnable c'est d'avancer à 3,5 nœuds et que les voiles ne battent pas outre mesure).
Mais il nous avait tant gâté les premiers jours qu'on ne voyait rien à y redire. Pendant les trois ou quatre premiers jours, il a soufflé à 20 bons nœuds du Sud-Est et nous on faisait du Sud-Ouest, donc on aura compris que Orionde était vent de travers, l'allure la plus rapide même si un peu inconfortable. Et les journées record se sont succédées. Il n'est pas courant sur un bateau de 12 mètres et de 12 tonnes de faire une journée à 8 nœuds de moyenne, 192 milles de midi à midi et 565 milles en trois jours.
Et les fronts froids ont eu la gentillesse d'attendre qu'on arrive pour montrer le bout de leur nez. D'ailleurs, demain en voilà un qui passe et nous aurons, bien tranquillement au mouillage, quelques 25 nœuds de vent qui vont faire un tour complet de la rose des vents en trois jours.
Le petit mérite qu'on a eu, d'avoir bien préparé le bateau et de l'avoir bien mené.
A part l'incident sur les protections de barres de flèches qui se sont révélées beaucoup trop abrasives et qui ont presque troué la grand-voile (on y a collé des patchs de réparation d'annexe), tout s'est bien passé. Le fichier Word des Bricolages à Faire n'a pas beaucoup de lignes.
On a bien mené le bateau, les ris ont toujours été largués à temps, le tangon aura souvent changé de bord (c'est la manœuvre la plus longue à bord d'Orionde) pour gagner quelques degrés de cap et le spinnaker aura travaillé autant pendant cette traversée que pendant les 10 années précédentes.
On dira juste comme point négatif que la traversée aura manqué un peu de vie. D'accord il y a eu les oiseaux au début et à la fin (un fou aux pieds rouges qui a élu domicile sur le bout dehors pendant les deux jours où c'était dur pour lui de s'envoler vu l'absence de brise), mais pas de poissons (on l'a déjà dit et redit), pas de bateaux (ben si on s'était retrouvé sur le radeau de sauvetage en comptant être récupéré par un cargo, on y serait encore pour quelques semaines), pas de dauphins ni de baleines (alors que nos copains de traversée à quelques centaines de milles en voyaient pas mal).
Un autre petit regret c'est de ne pas avoir imaginé de faire plutôt Panama-Ile de Paques-Gambier, ce qu'on fait des bateaux voisins avec un mois d'escale sans problème sur cette autre chiure de mouche qu'est l'ile de Paques.
Donc après 3900 milles par l'orthodromie et 4200 milles avec les zigzags volontaires et involontaires, nous voici aux Iles Gambier, l'archipel le plus au Sud de la Polynésie.
C'est à peu près conforme aux dépliants.
Contrairement aux quatre autres archipels qui s'étendent sur des dizaines voire des centaines de milles, les Gambier, ce sont une demi-douzaine d'iles hautes entourées par un lagon d'une dizaine de milles de diamètre.
Une grande ile, Mangareva, habitée par les Mangaréviens, qui parlent le Mangarévien (aussi différent du Marquisien ou du Tahitien que le portugais l'est de l'espagnol) et qui roulent les 'r' encore plus que dans le Berry.
Très accueillants, tout le monde se tutoie. Très prévenants, tout le monde s'arrête pour te proposer de monter dans sa voiture. Très partageurs, tout le monde te propose des bananes ou des pamplemousses qui poussent ici comme les orties aux Adrets. Plutôt riches semble-t-il, pas de chômage, tous ceux qui ne sont ni commerçants ni fonctionnaires travaillent dans les fermes perlières, à produire ces petites billes qui ressemblent à des roulements à billes tant qu'elles ne sont pas montées sur des pendentifs. Plutôt gros voire gras, et encore il parait qu'aux Marquises c'est pire. Plutôt cathos, un gros millier d'habitants et une grosse demi-douzaine d'églises dont la plus grande, qui a rang de cathédrales peut accueillir 1200 Mangaréviens(même les gros)
Ce matin on est monté au sommet, le Mont Duff, pas très haut, 400 mètres mais il faisait chaud et nos jambes avaient un peu oublié le fonctionnement. Magnifique belvédère. On y a pris la mesure de la douzaine de mouillages possibles sur les autres iles et sur les "motu", ces ilots qui parsèment la barrière de corail. Il y a une douzaine de bateaux dans l'archipel, la moitié ici à Rikitea, les autres dans l'autre mouillage principal à l'ile deTaravai.