24 heures d'escale à Pitcairn
Vendredi 24 Mars au petit matin, Yves découvre le sommet de l'île de Pitcairn, on en est à 7 milles, et c'est vers 8heures que l'on pose notre ancre par 19 mètres de fond (eau cristalline) dans la baie de Tedside, à l'opposé du petit port de Bounty, cette baie du Bounty étant beaucoup trop remuante ce jour-là. Le mouillage du côté de la baie de Tedside n'est pas très calme, très rouleur, mais la mer y est moins agitée. C'est un peu comme si on avait mouillé en pleine mer, avec 11 noeuds de vent, pas confort mais ça va. Yves n'hésite pas à plonger pour vérifier que l'ancre est bien posée, c'est le cas.
C'est Brenda, pitkernienne un peu british, qui vient nous chercher avec une baleinière de l'île, et bien nous en a pris de ne pas tenter de débarquer avec notre annexe, car l'entrée (et la sortie de) dans le petit abri de la baie du Bounty est techniquement difficile, on salue là la grande expertise de Brenda. Le comité d'accueil est nombreux et sympathique, avec la postière (Charlène), la journaliste (Melva), le médecin (Jack), l'officier (Simon), et collier de coquillage à la mode polynésienne oblige.
Durant les 7 heures de notre séjour sur l'île, c'est la famille de Carol & Jay (parents de Charlène) qui nous coache. Pas question de se déplacer à pied, il y a les quads, et chaque membre de famille de plus de 18 ans en possède un. Charlène nous amènera donc au point culminant de l'île, que nous voulions fouler bien évidemment, superbe pelouse verte très anglaise, et c'est seulement la descente que nous en ferons à pied. L'île est très verdoyante, avec beaucoup d'arbres très différents (même si on note une majorité de banians, de pins, d'araucarias et de dragonniers pas aussi beaux que ceux des Açores, et quelques bambous) et beaucoup de fleurs aussi très différentes (un peu le même genre de végétation qu'en Guadeloupe, y compris des lantanas aux couleurs variées et énormément de bananiers).
La maison de Carol est bien accueillante, avec le café, les petits gâteaux, les petits toasts jambon-fromage, etc .... C'est eux aussi qui nous procurerons les fruits et légumes dont nous avons besoin, ainsi que le pain fabriqué spécialement pour nous. Pour son pain Carol utilise des ingrédients français, la farine transmise par son ami Bernard le pizza-man des Gambier, et le gaz en bouteille venant de la Polynésie française également.
C'est aussi Carol qui nous fera faire la visite du musée de Pitcairn, bien arrangé, avec la bible du Bounty et un canon récupéré sur l'épave au fond de la mer. En prime les commentaires intéressants sur l'histoire de Pitcairn par un de ses fiers défenseurs, en l'occurrence Carol qui est une descendante directe 5ième ou 6ième génération de F Christian. Carol a évoqué la connaissance par son ancêtre F Christian de cette île (qui n'était pas située au bon endroit sur la carte), qu'il aurait choisi délibérément pour cette raison en espérant avoir ainsi moins de chance de se faire repérer par la marine britannique. Nous enverrons des cartes postales aux petits-enfants, cartes qui devraient leur arriver au mois de Juin si tout va bien. Devant la mairie et la salle des fêtes nous lirons le journal local, mensuel intitulé "miscellaneous" parlant de la vie de l'île, y compris des visiteurs par bateau.
On apprendra qu'il y a en ce moment très exactement 41 habitants sur l'île (en comptant les enfants aussi), et près de 10 000 personnes vivant en dehors de l'île mais parent de près ou de loin d'un îlien, principalement ne Nouvelle-Zélande, Australie et Angleterre. Sur l'île le principal moyen de communication c'est la VHF, sur le 16 d'abord puis on switche très vite sur un autre canal, énoncé haut et clair ou entendu au préalable entre les deux interlocuteurs. Tout le monde est ou peut donc être au courant de tout ce que chacun communique aux autres. C'est étonnant, mais ça semble bien marcher, mieux que le tel fixe, tout le monde semble très content de ce système.
Nous n'aurons pas eu le temps durant cette escale d'aller voir la piscine naturelle à la pointe Est de l'île. Nous aurons bien profité la veille de cette escale du paysage de l'île Henderson, atoll surélevé avec quelques arbres et arbustes permettant aux habitants de Pitcairn de s'approvisionner en bois, île déserte dont nous avons longé la côte Ouest très sauvage et avec beaucoup de belles vagues se brisant très haut sur ses petites falaises. Nous n'aurons pas été voir l'île d'Oeno, située à environ 8 heures de bateau de Pitcairn, île avec une belle petite mer intérieure, joli lagon entouré de corail, où les habitants de Pitcairn aiment à venir passer quelques jours de vacances par beau temps. Mais nous sommes très contents d'avoir pu débarquer sur l'île, ne serait-ce qu'une journée, ce n'est pas donné à tous les voiliers qui y passent, même si certains bénéficient de conditions plus clémentes que celles que nous avons eues.
Les habitants de Pitcairn sont surprenants à plusieurs titres :
i) par leur histoire (cf wikipedia où c'est très bien expliqué) dont ils sont fiers et qu'ils aiment raconter aux gens de passage. Pour le coup c'est eux qui sortent de l'ordinaire et pas nous les navigateurs à bord de voiliers, c'est une situation à laquelle nous ne sommes pas habitués d'être fascinés par un mode de vie de terriens malgré tout.
ii) par leur autonomie de vie, qui ressemble un peu à celle que nous vivons en voilier durant les traversées, à savoir être capable de tout réparer ou refaire marcher autrement, que ce soit un problème mécanique, de plomberie, d'électricité ou de santé ....sauf que eux c'est pas durant les périodes de traversée seulement c'est tout le temps ! sauf les quelques semaines par an ou tous les deux ans où ils vont voir leur famille ou régler leur problème de santé en Nouvelle-Zélande
iii) par leur système social qui semble fonctionner remarquablement bien à ce jour, sans que l'on en comprenne le remède miracle (si ce n'est la réaction de résilience face aux conditions de vie difficiles), ils semblent s'entendre à merveille et aimer faire la fête ensemble, les seules plaintes que l'on a perçues s'adressaient au gouvernement british qui parfois décide pour eux de la meilleure localisation du prochain nouveau port par exemple
et iv) par leur côté finalement très british et plus british parfois que polynésien !
On a tous les deux beaucoup aimé cette courte escale.