De Puerto Montt à Puerto Natales

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Cela fait un bon moment qu'on en rêvait, voilà Orionde est parti dans les canaux de Patagonie... et même il vient d'arriver à Puerto Natales ce samedi 4 Janvier 2020 après deux réveillons, cinq semaines et mille milles à zigzaguer dans les canaux loin du monde. Cette première partie passait par la verdoyante ile de Chiloé, le redouté golfe de Penas, les fiers canaux Messier Sarmiento, Pitt et autres, l'arrosée Puerto Eden et le touristique Puerto Natales. La seconde partie, ce sera de Puerto natales à Puerto Williams en passant par le Détroit de Magellan et le canal du Beagle entre autres.

On n'a pas vu beaucoup de voilier voyageur jusqu'à présent, ni dans notre sens ni dans l'autre sens. En fait on a vu que Elora et Kobaia, nos compères de Puerto Montt, qui ont navigué de conserve deux-trois jours derrière nous, et on les retrouve à Puerto Natales. Mais on n'a aucune idée du nombre de bateaux qui transitent par ces canaux, 20, 30 par an ? Sans doute plus en les remontant qu'en les descendant.

Tout s'est bien passé, même pas une galère. Pourtant on craignait soit d'avoir un coup de vent à 60 noeuds au mouillage, soit de se prendre du kelp dans l'hélice et de devoir plonger pour la libérer, soit de lutter dans les rafales pour installer le bateau sur ses boutes, soit de crever de froid et d'humidité, soit de mettre le mât dans l'eau dans le Golfe de Penas, ... Rien, rien de rien, tout s'est bien passé. Certains diront qu'ils ne faut pas jouer avec le diable et que à force de parler de chance, on s'attire des ennuis pour la suite, mais nous ne sommes pas superstitieux, cela porte malheur.

Pour la météo par contre, la chance n'y était pas vraiment, on a eu largement notre taf de pluie et de vent. Monnaie courante en Patagonie mais quand même, pas une seule journée de grand beau temps et les Andes se sont montrées très très timides, ne se dévoilant qu'en de rares occasions. On raconte en détail et voilà quelques photos dans le désordre.





La préparation et le départ
Nous sommes partis le 26 Novembre de Puerto Montt pour Puerto Williams. On arrivera au bout de l'Amérique dans une soixantaine de jours, avant le 31 janvier puisque certains prennent l'avion ce jour-là.

Nous sommes trois à bord, Aude nous a rejoint. Aude, on l'avait rencontrée à Cuba il y a bientôt trois ans, on avait bien sympathisé, elle rêvait de Patagonie et du coup on l'avait mise sur la short list en même temps que Victor et quelques autres. Et finalement c'est elle qui vient et on est ravis. Ses grandes jambes et sa jeunesse et sa bonne humeur seront plus qu'utiles pour les mouillages compliqués et pour la navigation vivifiante et pour la vie à bord. Il n'y a que trois choses qui énervent Aude : les bestioles qui piquent ou mordent, les ronflements et le fait de marcher lentement derrière quelqu'un.

Le bateau est prêt pour cette virée avec ses cinq boutes de 100 mètres pour s'attacher aux arbres dans les minuscules abris dans lesquels on ne peut pas tourner autour de l'ancre. Les boutes se passent de bateau en bateau. Nous, c'est Laureline et HipposCamp qui nous les ont refilés.
Ces boutes on peut les ranger dans des grands sacs, type sacs à feuilles mortes ou panières à linge ou, mieux, sur des rouleaux. Yves est très fier de ses deux rouleaux au pied du mat. Un pied de chandelier vissé dans le mat, un tube dans le pied et fixé au balcon de mat avec une rotule de bimini et deux flasques en alu taillées en Nouvelle-Zélande, fixées sur un autre tube qui roule sur le premier. Ca marche impeccable. On met un peu plus de temps à rouler les boutes qu'à les fourrer dans un sac ou coffre mais pour les installer à toute vitesse, il n'y a jamais d'anicroche et de coincements.
On a aussi installé un coffre en bois sur la jupe dans lequel on stock le quatrième boute. Cela complique un peu la descente et la montée de l'annexe mais on ne le regrettera pas.

Le bateau est plein avec beaucoup beaucoup de nourriture, de quoi tenir deux mois ou de quoi hiverner ? on ne saura jamais, avec du fuel à ras-bord avec sur le pont 9 jerrycans dans lesquels on shoote régulièrement. Et deux valises pleines de crackers, de nouilles, de PQ, pharmacie en trop sont entreposées dans le cagibi. Quel bonheur ce cagibi dans lequel on entrepose nos cinq valises, les deux citées ci-dessus plus celle des coussins, celle des tuyaux eau et électricité et celle du trainard de grosse tempête.

Le bateau est cocooné avec des doubles vitrages sur les 22 capots et hublots pour limiter la condensation, et avec son chauffage à air pulsé que démarre d'un clic le premier qui va faire pipi le matin. Une demi-heure à attendre sous la couette et on peut sortir sans se peler.
Et aussi avec sa "véranda", des bâches transparentes sur les côtés et à l'arrière qui protège le cockpit de la pluie et un peu du froid au mouillage même s'il n'est pas question de l'utiliser en navigation. Fruit d'une longue ingénierie commencée à Port-Vila avec Eric qui aura eu l'idée fondatrice des pare-pluies latéraux, complétée à Opua avec la partie arrière, modifiée à Taravao avec Romain qui réajuste les bords et terminée à Puerto Montt avec Cristobal pour la dernière fermeture éclair.

Le bateau est équipé pour la navigation avec la "bible" de Giorgio, et l' "ign" de Pascal. La bible, c'est le livre de Giorgio qui décrit avec position GPS, croquis et indications précises les quelques 600 mouillages qu'il a fréquentés en 14 années dans ces parages. L' ign, c'est le logiciel de Pascal qui permet de télécharger les cartes satellite de Google et de Bing et de voir sa position bien mieux que sur les cartes marine très approximatives.
Ce n'est donc plus l'aventure comme celle de Fitz Roy ou de Magellan mais nous ne sommes pas de la même veine !

L'équipement perso est bien complet. On a les deux trucs essentiels pour la navigation dans le froid : un jogging et des crocs. Le reste ciré, bottes, gants, bonnet est secondaire mais appréciable. On s'apercevra vite que le ciré de Aude est pourri et que celui de Christine ne vaut guère mieux. Normalement à Puerto Natales, on récupère Sébastien et des nouveaux cirés. En attendant on fait avec...

La navigation et les mouillages
On ne navigue que de jour bien entendu. Les canaux sont tortueux, venteux, mal pavés pour certains, mal cartographiés pour d'autres, et pour les plus tordus on a les deux soucis.
Les cartes sont complètement fausses pour certaines (CM93) et moyennement fausses pour d'autres (Navionics) mais les côtes sont en général accores et il y a peu de cailloux vraiment méchants.
On aime bien les cartes aériennes qui te donnent la configuration des canaux et des baies. Les cartes de Google sont nettement moins bien que les cartes bing de Microsoft pour cette région du monde. Yves aura passé des heures à télécharger les dizaines de milliers de "tuiles" pour avoir les canaux et les mouillages à tous les niveaux de zoom... mais bien entendu il en manquera certaines.

Le vent, lui, est très capricieux, passant de 5 à 25 noeuds puis à 5 de nouveau sans te laisser le temps de régler quoi que ce soit. Il est aussi très difficile à prédire, les dépressions tapent l'Amérique du Sud mais ensuite certaines rentrent dans les canaux et s'accélèrent et d'autres ne rentrent pas, va-t'en savoir pourquoi...
Heureusement ce vent est généralement entre le Nord et l'Ouest, donc avec nous.  Sauf du côté de Chiloé où on peut avoir (et on en a eu) du vent du sud contraire mais qui amène le soleil.
Depuis, la pluie elle aussi est avec nous, elle nous suivra un peu plus que ce qu'on aurait souhaité. Pas de journée sans une bonne averse et quelques journées avec une seule averse de 24 heures.

Les mouillages, depuis le golfe de Penas, c'est surtout au fond de petites caletas. On y est abrité du vent par les collines et par la végétation. Sauf que quand les montagnes sont trop hautes et que la végétation est un peu rare, les "rachas", c'est à dire les rafales, arrivent bien accélérées et de n'importe où. La règle c'est qu'il faut être bien installé avant que le vent se mette à souffler. On arrive dans la baie on fait un virage sur l'aile dès que le fond ou le kelp ne permet plus d'aller plus profond. On avance de 50 mètres, on mouille 20 mètres, on se met en marche arrière pour ne pas être rejetés de la baie, on fonce mettre deux boutes sur des arbres à l'arrière puis on allonge la chaine pour être le plus près possible du fond de la baie et donc le plus à l'abri. Parce que bien entendu, les caletas sont choisies orientées vers le sud pour nous protéger des forts vents du Nord et de l'Ouest. Et d'ailleurs, les caletas ouvertes au nord s'appellent souvent "Caleta Inutil" ou "Caleta Zorro", ce qui veut tout dire.

Une journée type

Une journée dans les canaux, le 24 décembre, du côté de l'ile Madre des Dios à la sinistre réputation, c'est là que viennent se cogner toutes les dépressions. Ca commence par la sonnerie de Kill Bill sur le téléphone à 5 heures et quart. Il fait encore nuit mais déjà jour dans cette Caleta Neruda. On n'a pas très bien dormi ou tout du moins pas en même temps, certains ont entendu tonnerre et éclairs, d'autres rafales et pluie battante. Heureusement on était bien attachés aux quatre coins du bateau mais on gamberge : et si l'arbre ne tient pas, et si la corde rague et si et si.... On a 60 milles à faire aujourd'hui et il parait que le vent se lèvera en fin d'après-midi, il faudra être de nouveau à l'abri. Un petit quart d'heure d'habillage et de babillage et nous voilà tous dehors en cirés et gants. Les gants orange "wonder grip thermo plus" sont très bien sauf qu'ils ont tous la même couleur et on se les mélange malgré les C, A, Y écrits dessus. Les rôles sont immuables. L'annexe est dans l'eau, Christine démarre le moteur du bateau, Yves celui de l'annexe, on choisit l'ordre des boutes et Yves et Aude y vont à toute allure pendant que Christine ramène les boutes sur le pont à tour de bras. Aude fait l'équilibriste sur les cailloux mouillés, Yves essaye de ne pas trop esquinter l'annexe sur les moules et on passe à l'autre boute. Chance il n'y a pas trop de vent et le bateau ne tourne pas sur l'ancre quand on enlève le dernier boute. On remonte l'ancre et c'est parti, à toute petite vitesse pour finir le rangement des boutes et on tourne tourne tourne les rouleaux. 100 mètres à tourner, quatre fois, c'est long. L'annexe est remontée, la grand-voile est hissée, on est partis. Bien évidemment il pleut. On avance doucement on est encore dans une partie mal hydrographiée et il ne faudrait pas se prendre un caillou comme hier en arrivant. Petite mésentente entre le barreur et la vigie et on est passé sur un pâté de  kelp qui comme c'est écrit dans les livres cachait un caillou et la quille a fait chtong en se relevant de 10 cm. Heureusement le pire n'est jamais sûr, le caillou était à 2 mètres sous l'eau. Pas de problème aujourd'hui. Nous voilà sortis de la zone bleue, Christine et Aude vont préparer le petit dej et on prend notre rythme de une demi-heure chacun dehors. Sauf que aujourd'hui on prend un raccourci mal pavé et mal sondé même si large, le canal Tres Cerros, donc on est plutôt tous dehors qui à mater le kelp, qui à la barre, qui à suivre sur les cartes. Pas de souci, à 8 heures on est sorti de la zone foireuse. Bien évidemment il pleut mais n'exagérons pas, c'est pas tout le temps. Il fait 11 degrés dans le bateau, mais on ne met pas le chauffage en navigation. Il a neigé sur les sommets qui bordent le canal Tres Cerros, puis le Canal San Andres puis le Canal Pitt. C'est joli même si le rayon de soleil se fait désirer. Comme très souvent des dauphins nous accompagnent, joueurs certes mais pas exubérants malgré nos sollicitations. On aimerait bien voir des orques comme ceux qui sont passés dans la Baie de Puerto Eden juste avant qu'on arrive, on a vu les vidéos sur le tel de Cécilia, impressionnants. Le vent va et vient entre 5 et 25 noeuds selon la configuration du canal et des grains. Mais globalement, il vient du quatrième quadrant, entre le Nord et l'Ouest. C'est comme ça depuis le Golfe du Corcovado vers Chiloé, on y avait eu un peu de vent du Sud avec du soleil, c'était il y a longtemps. Donc avec le vent du Nord, aidés ou pas par le moteur, on avance toujours à 6 ou 7 noeuds et la température ressentie est celle de l'air ambiant. Pas comme si on allait dans l'autre sens, contre le vent et même contre le courant, on serait à 3-4 noeuds avec un vent apparent qui fait froid dans le dos et dans la gueule. Ceux qui remontent les canaux ont ce privilège pendant deux mois ! Heureusement ils ne le savent pas au départ. Et donc un grand coup de chapeau à ceux qui ont descendu puis remonté les canaux en toute connaissance de cause, comme par exemple Hippo's Camp. Il est 10 heures, le pain fraichement pétri lève tout doucement dans le four, c'est l'heure de la collation, c'est l'heure du sudoku, c'est l'heure de voir avec l'iridium si on a des amis, c'est l'heure de gamberger avec les fichiers météo et le livre de Giorgio, c'est l'heure de la lecture. Puis c'est l'heure de la bouffe, pâtes au pesto, aux courgettes et au curry, une improvisation du bord. On avance bien, souvent entre 7 et 8 noeuds, faut dire qu'on doit en avoir un bon de courant avec nous. On ne mange pas en même temps, bien sûr, cette fois -ci c'est Aude et Yves pour le premier service, Christine après. On alterne grosse drache et belles éclaircies mais ce n'est pas le grand beau temps. Pourtant il doit bien exister par ici vu que les cartes satellites montrent du vert et du bleu sans blanc ni gris. Il est 13 heures, on voit la pointe derrière laquelle il va falloir remonter vers le mouillage sur 3 milles. Le mouillage , Caleta Villarica, est au fond d'une petite baie quasi fermée, l'entrée fait 30 mètres de large et le vent du nord s'y engouffre pour nous empêcher d'entrer. Alors, rachas (=rafales) ou pas, mouillage facile à prendre ou pas, à suivre... Voilà, il est quinze heures et nous sommes en train de prendre un café. Il y a bien eu des rafales dans le goulet mais pas trop méchantes et surtout c'est calme dans le bassin intérieur. Nous sommes par 50°49.383S et 74°00.777W, on peut regarder sur Google maps et voir la petite échancrure au NW de la baie, c'est chez nous. Tout s'est bien passé, un deux trois quatre boutes sans souci grâce à l'agilité de Aude, à la dextérité de Yves au moteur et à la précision des indications de Christine. Quelle fine équipe. Ce soir c'est le réveillon, on sera tranquille.  Demain il est probable qu'on soit toujours là vues les prévisions mais ensuite on ira voir le Glacier Amalia, c'est sûr.

Au jour le jour


La Vega (2.27)

Une vingtaine de milles au sud de Puerto Montt, sur l'ile de Calbuco, on n'ira pas plus loin ce premier jour.
On essaye de mouiller à l'est de la baie mais c'est raté, trop près de la terre, trop près d'une barge. On passe à l'ouest de la baie et du ponton des pêcheurs, dans 15 mètres près des bateaux de pêche sur corps-mort. A marée basse, notre "mouillage" de l'est découvrait.
L'endroit n'est pas très charmant et on ne descend pas à terre.

Isla Mechuque (2.7)
Un des passages obligé, l'ile de Mechuque et ses vingt mouiillages potentiels. Nous on se met dans l'entrée de la baie du village, bien au milieu. Balade à terre : Musée hétéroclite de Don Paulino, Place piétonne rénovée avec 21 (3 x 7) poubelles, Restaurant la Pincoya, malheureusement fermé, pas d'autre possibilité de manger dans le village.
Pluie ininterrompue le lendemain. Un cata chilien galère et finit par prendre une grosse bouée orange où un gros bateau de pêche viendra se mettre à couple du fragile cata, on préfère être à notre place.
Premier kelp dans l'ancre en remontant le mouillage.
Maison sur pilotis de toutes les couleurs, dommage avec du soleil ça aurait été plus charmant!

Cabo Tenaum
On prend une des bouées de Vincente, rencontré à Puerto Montt. Malheureusement Vincente, qui devait nous emmener à Castro (et nous inviter à manger chez lui !!)  n'est pas disponible pour cause d'accident de voiture. On rencontre bien Manni le vieux finlandais, copain de Sébastien de Lhuite, qui se propose - peut-être  - on verra - je sais pas à quelle heure  - de nous emmener demain à Castro. Pas de gros fit, du coup on bouge tôt le lendemain matin.

Marina Quinched (2.12)
Marina de poupée avec une dizaine de bateaux aux pontons. On reste sur une bouée. Le lendemain, on part avec Nelly qui nous met sur la grande route, on chope un minibus qui nous met à Castro. On y retrouve Felipe le loueur de bagnoles. Visite de la ville avec le resto où Yves l'audacieux prend un Curanto (mélange patates- saucisses -moules géantes) spécialité chilote, normalement cuite dans un four polynésien. Correct mais pas toptop. Eglise en bois jaune, typique, inscrite au patrimoine mondial et intérieur tout en bois ciré grandiose.
On tournicote dans la ville, construite au carré avec tout à sens unique, on rachète quelques "queso campo".
le lendemain, belle journée ensoleillée. On traverse Chiloé vers Cucao et sa plage immense où quelques 4x4 viennent batifoler et où quelques chilotes (en combinaison) ramassent les machas (palourdes ou praires ou amandes) mais la pêche n'est pas miraculeuse. De loin leur sac paraît bien léger. Excellentes empenadas queso-machas au bouiboui Morelia. Grande promenade vers le lac Tepuhueico avec ses cathédrales de Arrayanes (très grands arbres).
On reste le lendemain because Elora arrive. On en profite pour faire nettoyer le bateau par Isabela la plongeuse. Un peu cher mais boulot impeccable mais la vidéo montre que l'anode du moteur est très abimée. On sort la combinaison 7 mm, on essaye en apnée mais c'est trop difficile, on sort le matos bouteilles (et le stage à Taravao était le bienvenu pour se rappeler des détails de la mise en route). Donc anode de l'hélice changée. Belle fête avec Kobaia et Elora le lundi soir dans le kiosque prévu par la marina à cet effet.

Estero Paildad (2.21)
Mouillage au milieu du grand fjord en face de l'église. Il y a un ponton bienvenu compte-tenu de la marée toujours importante (5 à 6 mètres de marnage). Promenade à terre sur la route.

Puerto San Pedro (2.25)
Mouillage dans une calanque plutôt étroite avec le vent qui vient de la sortie de la calanque, dommage. Balade à terre où Hugo garde la maison de l'américain (qui possède un lodge pour touristes sur l'île) avec sa fille Darel (2 ans) et qui nous donne gentiment un sac d'oeufs frais de ses poules. Il vit ici 20jours/mois et le reste du temps à Queillon. En quelque sorte le dernier village de l'ile de Chiloé.

Puerto Juan Yates (2.49)
On traverse le golfe de Corcovado(belle journée de voile avec genaker un bon bout de temps)  vers la bahia Tic-Toc et on fait notre premier mouillage patagon avec trois boutes à terre et l'ancre. C'est très mignon. Balade en dinghy vers l'ilot réputé abriter une colonie de manchots. Un super ballet de dauphins sauteur nous accompagne à l'aller et au retour. Mais le guide s'est trompé d'ilots. La colonie est trop loin pour y aller en dinghy, on ira le lendemain avec Orionde, il s'agit de l'îlot au sud des îles Carabantes. On passe à 50 mètres et on file une trouille pas possible à une centaine d'otaries qui se prélassaient et qui courent se mettre à l'abri dans l'eau. Du coup on abrège la visite et on ne sait pas vraiment finalement si c'était une colonie de manchots ou de cormorans... mais le livre et Aude assurent que ce sont des manchots.(finalement je dirais que c'était des cormorans...^^)

Venas abiertas (3.23)

Christine râle parce qu'on est au moteur contre 15 noeuds de vent du sud. Mais le temps est clair et le canal Refugio est magnifique. Le mouillage de Puerto Domingo est très ouvert et pas très accueillant, on continue. Venas Abiertas  est une échancrure sur la côte, on longe d'abord de très près une salmonera (en la laissant sur bâbord) et on arrive au fond où il y a des boutes de pêcheurs en travers du chemin. L'idée est donc de mettre l'ancre tout au fond du fjord et de reculer pour s'amarrer sur les boutes. On merde un peu, il faudra remouiller trois fois pour avoir la bonne distance et on va mettre un autre boute à terre pour être tranquille.
Petit tour en dinghy jusqu'à la salmonera mais personne, pas âme qui vive. On rentre un peu déçus de ne pas avoir pu visiter et de ne pas avoir de saumon. Chance deux heures plus tard un bateau y accoste et ils viendront nous voir. La salmonera est en jachère (on élève des saumons pendant 15 mois puis on laisse se reposer pendant 6 mois). Ils viennent juste y passer la nuit. Mais il y a plein de saumons dans le congélo et ils (un motoriste Jonathan et un plongeur Pablo) nous en amènent un seau plein. On mettra une semaine pour en venir à bout (saumon à la crème, saumon au curry, saumon mayonnaise, rillettes de saumon, pâtes au saumon).

"Marina" Jechica (3.8)

On retraverse vers l'ouest en direction de l'archipel des Chonos (du nom des indiens qui y vivaient). Voile et un peu de moteur et temps plutôt dégagé. Jechica, il y a un ponton. Il y a deux bateaux chiliens vides et une pension vide aussi. Fernando, Ignacio, Jhoselyn, Yerky, Cirilo, et Suleidy nous accueillent plus que gentiment. Douche chaude luxueuse, repas gastronomique, pisco bien sûr, et vin rouge au dîner bien meilleur que le casilero del diabo. Cuisiné par Ignacio, le cuisinier qui parlait plus vite que son ombre. Et servi par sa charmante compagne, Jhocelyn qui servait des verres de vin de la taille d'un shooter.
Le lendemain, belle balade sur un chemin de rondins pour ne pas s'enfoncer dans les marécages. Une demi-heure pour arriver au lac Jechica, une demi-heure pour le longer et une demi-heure pour arriver à la plage de l'autre côté de l'île. Retour en courant presque vu qu'on se fait bouffer par des taons cons mais méchants et par des nonos (mais ça on le saura plus tard, surtout Aude qui se grattait encore 48 heures après qu'on soit partis de Jechica). Chance le bateau ravitailleur de fuel passe et on peut remplir nos deux bidons vides. On les aide à rouler leurs fûts et Cirilo nous apporte le soir de délicieux petits pains cuits par Sulaidy.
Re douche chaude, re pisco et re vin.  Départ au petit matin.

Atracadero (3.18)
On fera même du spi dans le canal Moraleda pour arriver à ce mouillage, la classe ! Mouillage en plein milieu, pas de vent. Deux dauphins viennent saluer notre arrivée. Balade à terre, glauque avec boue jusqu'en haut des bottes, maison abandonnée avec cadavre potentiel. Seul bénéfice, on ramasse du filet de pêche, de quoi faire le casier à centollas.

Caleta Manabranch (4.6A)
-45.69;-74.34;Canaux de Patagonie, J15, 10/12/19; On a eu une sorte d'épisode méditerranéen, des trombes d'eau toute la journée, mais un bon vent du nord soufflait, donc on y est allé, une demi-heure à tour de rôle. Les cirés ne seront pas secs demain mais il ne fait pas (encore) froid. Nous sommes dans la caleta Manabranch dans le canal Pulluche, mais qui connait ces noms-là ?. On commence à faire des plans sur la comète pour passer le golfe de Penas, un des passages clef de la croisière où l'on retrouvera l'océan et les grosses vagues. Vendredi, Samedi ou Dimanche, on verra bien. A la cambuse, on croule toujours sous le saumon et après le saumon à la crème, les rillettes de saumon, les pâtes au saumon, le ceviche de saumon, la paella au saumon, le saumon froid mayonnaise, on se demande bien comment assaisonner le reste. Mouillage au sud de l'ilot. On n'aura pas le loisir de descendre même si on y a passé deux jours. Le vent d'Ouest était soutenu et nous empêchait de prendre le canal Pulluche dans de bonnes conditions. Pas mal de rafales la première nuit, première nuit hachée depuis Puerto Montt.

Caleta Ideal (5.8)
On a traversé le golfe de Penas, ça c'est fait. Le canal Pulluche est embouqué au moteur avec le courant pour et la bahia Anna Pink aussi. Le vent du Nord se lève et forcira, 25/30 noeuds trois ris et le solent entier. Le stugeron a repris du service. 180 milles depuis Manabranch, en 36 heures. On aura raté plein de caletas dont on nous disait monts et merveilles mais on aura passé cet épouvantail sans trop de mal. L'arrivée sur le Canal Messier est grandiose avec les montagnes bien dégagées et des vrais rayons de soleil. On a eu un peu de vent contraire, un improbable vent de Sud Est mais on arrive bien vite. Un coucou par la VHF au planton de San Pedro et on tourne autour de l'ile Baker pour trouver la Caleta Ideal. On mouille en plein milieu, 60 mètres de chaine ça devrait le faire. Très bonne nuit sans vent, qui nous permet de récupérer notre sommeil en retard.

Caleta Chasky (5.12A)
On descend le canal Messier à toute pompe, 8, 9, 10.4 noeuds. Faut dire qu'il y a 25-30-35 noeuds de l'arrière et probablement un peu de courant. On a juste le Solent et on finira même par l'enrouler à moitié. Le Solent est la meilleure invention pour la Patagonie. Encore 25 noeuds et une pluie battante en arrivant à hauteur des caletas Chasky et Tinja. Un peu (euphémisme) de stress des fois qu'il y ait le même vent pour mouiller....  En fait le vent baisse voire s'arrête totalement dans la caleta. On n'ose pas quand même aller vers la minuscule caleta Tinja et on va au fond de la belle caleta Chasky. Un peu d'hésitation mais on fait comme dans le livre. Mouillage à 100 mètres du bord, le cul vers la terre. 20 mètres de chaine, moteur doucement en arrière. Hop dans l'annexe, Aude le boute entre les dents et Yves à la manoeuvre du hors-bord. Une petite heure plus tard, les trois boutes sont en place le bateau est reculé pour avoir 35 mètres de chaine. S'il pleut toujours, il n'y a pas de vent.
Première tentative de pose de la nasse à centollas faite maison, appâtée avec de la viande, faute de moules. 15 mètres de fond, elle coule bien lestée de ses quatre plombs et attachée à l'orin. Ce sera un  fiasco. Mais on ne désespère pas.

Caleta Yvonne (5.16)
25 milles de Messier plus au sud,  la caleta Yvonne nous attend. Une pensée pour l'autre Yvonne. On met deux boutes à l'arrière avec l'ancre à l'avant. C'était plus large que ce qu'on pensait et  on a pu faire demi-tour dans le cul de la bouteille pour mouiller dans le goulot. Balade à terre dans les bruyères et les lichens, on ne va pas très loin, le cheminement est difficile. Au retour juste avant l'apéro  finalement on met un quatrième boute. Les alentours se dégagent un peu, pas complètement ne rêvons pas mais assez pour voir la neige fraiche saupoudrée sur la montagne devant. Demain, réveil à 5h30 une longue (et on espère belle) journée nous attend.

Finalement, appâtée avec de la viande avariée de Puerto Montt puis les restes du saumon, le casier à centollas nous ramènera des crabes, des "jaibas" en patois local, pas de différence avec les tourteaux, ni au gout - assez fin - ni à la difficulté de sortir ce qui se mange de la carapace.

Fiordo Iceberg

Départ à 6h15 après une demi-heure et un coup de chaud pour enlever et ranger les boutes. En route pour le Fiordo iceberg. Ce sera une journée de beau temps et de peu de vent. On voit le sommet de montagnes enneigées sur le continent et sur les iles. Après 15 milles, on arrive au glacier au fond du fjord, magnifique. On y reste deux trois heures, fascinés par le spectacle des bleus et blanc de la glace. Evidemment on ramasse un glaçon pour l'apéro. Evidemment on mitraille des dizaines de photos depuis le pont, le dinghy et le drone. Evidemment Aude va jouer sur un bout d'iceberg. On fera un tout petit peu de voile au milieu des glaçons sinon ce sera moteur à l'aller et au retour où l'on retrouve notre caleta Yvonne et ses quatre arbres bien placés pour les boutes.

Puerto Eden (5.20)
Bonne navigation (de 30 milles seulement) de la Caleta Yvonne jusque Puerto Eden, avec même du soleil et une bonne visi des montagnes et glaciers environnants, sympa.
Essayons de raconter Puerto Eden qui ne ressemble à aucun autre village de part le monde.
Au milieu du Canal Messier, par 49° de latitude sud, il détient quelques records officieux. Celui du village le plus isolé du Chili ou peut-être du monde, à 24 heures de bateau de Natales au Sud ou de Tortel au nord. Celui du village le plus pluvieux du Chili ou peut-être du monde avec 6 mètres d'eau par an en moyenne (3 fois plus qu'au mont Aigoual qui détient le record français).

Créé de toutes pièces il y a 80 ans pour servir d'escale aux hydravions à mi-chemin entre Puerto Montt et Punta Arena puis de lieu de rassemblement des derniers indiens Kaweskar, on y trouve 110 habitants aujourd'hui dont 5 Kaweskar pur jus, les derniers à parler la langue. Il y a une douzaine de militaires, quelques fonctionnaires et donc quelques commerçants pour les nourrir. Les autres font un peu d'artisanat et pêchent des centollas, le tout étant envoyé à Puerto Natales ou vendu aux rares voiliers de passage ou au très rares cruisers qui daignent s'arrêter. Une cinquantaine de maisons colorées reliées entre elles par des passerelles en bois qui évitent de marcher dans la boue continuelle. zéro véhicules terrestres mais plein de bateaux, tous jaune et rouge, fait sur place avec des cyprès locaux qui tiennent cinquante ans, nous dit-on.

Aujourd'hui vendredi pluie, bruine et vent, nous avons donc fait un peu de bricolage ce matin et du social cette après-midi à Puerto Eden. Café chez Guillermo et sa femme Marcella qui vont bientôt recevoir la soeur suédoise de Marcella, soeur qui avait été "vendue" par le Chili il y a environ 40 ans, et qu'elle a pu retrouver il y a peu de temps grâce au mouvement des mères d'enfants volés chiliens. Assez émouvant de l'entendre en parler. Puis nous avons fêté l'anniversaire de la deuxième fille de Patricia et son mari Hugo (le seul charpentier naval de Puerto Eden) qui habitent ici depuis 40 ans et chez qui nous avons appris que "faire le pont" (en raison de jours fériés) se dit au Chili "faire le sandwich". On a goûté le pain de Patricia, un vrai régal, demain on lui en achètera donc trois.

Samedi. Toujours Puerto Eden. Toujours ce nescafé dégueu à boire et à reboire ici et là. Toujours ces centollas (araignées de mer) aussi bonnes. Toujours cette passerelle de bois de deux kilomètres de long qui est l'unique chemin et qu'on arpente dans un sens et dans l'autre. Toujours cette météo difficile (même si l'après-midi a été ravissante) qui nous fera rester demain. Mais lundi c'est sûr on trace au sud. On n'est pas d'ici et on a encore de la route.

Il est arrivé un autre voilier mais non, ce n'est pas Elora ni Kobaia qui viennent seulement de passer Penas. C'est Ohana, un petit sloop de 50 mètres avec un mat de 63, une famille d'italien de 5 personnes avec un équipage de 10, un autre monde hein ! Pas de contact si ce n'est avec Gaspard l'espagnol, qui fait office de pilote ayant arpenté les canaux dans tous les sens avec son voilier puis sur les gros yachts maintenant. Et pendant que nous on était à l'abri amarrés à notre petit quai, ils auront eu 57 noeuds dans le canal. Même pour eux, c'est beaucoup.

Caleta Neruda (6.8)
On a donc fait 60 milles vers le sud depuis Puerto Eden, un degré de latitude et nous voici dans les cinquantièmes, 50°07 exactement. Le vent et les nuages ont été plus sympathiques aujourd'hui mais on a quand même shunté le glacier Pie XI qui demandait un trop long détour. Nous sommes mouillés dans une petite caleta sans nom officiel, que les yachties ont nommé Caleta Neruda, avec quatre boutes sur les arbres pour dormir tranquilles. On prépare Noël, guirlandes dans le carré entre autres.

Caleta VillaRica (6.21)
Anniv de Victor aujourd'hui, souhaité par Iridium et fêté au Botswana, pas banal cette année... Nous avons suivi plusieurs canaux aujourd'hui, canal Concepcion, canal Tres Cerros, canal Andres, et canal Pitt pour finir. Partis à 5 heures du mat, à la voile et au moteur, on a eu quelques heures de portant voiles en ciseaux plutôt agréables malgré les nombreux grains. Nous sommes maintenant abrités dans une baie très protégée, et pour ce soir Orionde embaume le gateau au chocolat dans une atmosphère bien chauffée, c'est Noël.

Toujours la Caleta Villarica par 50°49S et 74°01W avec une ancre et quatre boutes sur les arbres. Déluge continuel et rafales ininterrompues depuis 24 heures. On n'a pas bougé et on ne bougera pas demain. Peut-être vendredi un aller-retour au glacier à 15 milles mais on reviendra ici pour le coup de vent de samedi. On se tâte toujours pour savoir si on ira à Puerto Natales ou Punta Arenas pour récupérer Sébastien, mais c'est bien évidemment la météo qui décidera. On ronge un peu (euphémisme) notre frein, surtout Aude et Yves, Christine est absorbée par ses puzzles ou son tricot. On se rappelle que certains (Hipposcamp) ont attendu 13 jours pour passer le golfe de Penas, d'autres (Giorgio) 9 jours pour sortir de Magellan vers le Nord sans parler de Joshua Slocum, notre maître à tous, qui était resté un mois à l'ancre avant d'avoir un créneau météo potable mais il n'avait ni moteur, ni météo, c'était en 1896...

Toujours la même Caleta Villarica avec une météo un peu moins mauvaise qu'hier, il n'a pas plu toute la journée ! Nous avons même pu faire une balade sur le petit sommet voisin du mouillage (belle photo d'Orionde). Pas de crabe dans la nasse, dommage. Par contre nous avons bien avancé la lecture de nos livres respectifs, à savoir : Marie-Antoinette (de S Sweig), Le chardonneret (de D Tartt), et Je te vois reine des quatre parties du monde (de A La pierre). Et les casse-tête offerts par Marine nous occupent bien aussi.

Toujours et encore dans la caleta Villarica. Rien de bien palpitant aujourd'hui sous le ciel gris de Patagonie. Les jours passent et... se ressemblent. La pluie, toujours présente nous accompagne de son doux cliquetis, devenu presque rassurant. Je dit rassurant car nous avons décidé ce matin de ne pas partir voir le glacier Amalia, car météo trop mauvaise et peu de visibilité. Donc la pluie qui est tombée (presque) en continu aujourd'hui nous a conforté dans notre choix. Christine avance dans son puzzle, Yves dans son livre, bref on commence à être rodés dans l'art de faire passer le temps. Avant que le coup de vent n'arrive, Yves a décidé de mettre le 5ème bout à terre. On n'est jamais trop prudents. Encore une journée à attendre, encore quelques mots croisés, quelques pages d'un livre, quelques notes sur un carnet, quelques pièce du puzzle qui s'assemblent et surtout : encore 3 apéros, moment tant attendu par tous! (certains plus que d'autres:) Vivement Dimanche !

Le 28, RAS et TVB. DEMAIN on bouge !

Caleta Amalia (6.23)
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Magnifique journée. On part tôt pour l'estero Amalia voir le glacier du même nom et dormir dans la Caleta aussi du même nom aussi, comme c'est bizarre. Le ciel est presque dégagé, on voit bien les montagnes de Torres del Paine, 3200 mètres et des pics qui n'ont rien à envier aux Aiguilles de Chamonix. Le glacier Amalia qui tombe dans l'eau sur deux ou trois km de large est encore plus joli, plus bleu et plus tourmenté que le Seno Iceberg. Bien entendu pas ame qui vive à quelques centaines de kilomètres à la ronde. Oh, Ah font les marins ébahis, bing font les glaçons contre la coque, pipiou font les petits oiseaux perchés sur de minuscules bouts de glace. On s'amarre à un petit iceberg, probablement quelques tonnes quand même, pour profiter du paysage. Il en profite pour se retourner mais pas de mal ni de stress, on se casse. Le mouillage est correct avec deux boutes à terre, ce que Giorgio ne disait pas. On a quand même frisé l'incident, l'arbre était loin, le vent repoussait le bateau vers l'extérieur, les 100 mètres y sont passés et Christine a eu toutes les peines du monde à l'amarrer avant qu'il ne se fasse la belle. Pour une fois il y a une plage qu'on peut arpenter un bon moment. Et pour couronner le tout, on a pris une douche chaude au soleil, le pain est le plus réussi du voyage, le puzzle de 500 pièces est presque terminé, la vue depuis le mouillage est magnifique, rien à demander de plus...

Caleta MoonlightShadow  (6.29)
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, effectivement. On est partis tôt malgré la bruine, on distinguait vaguement le glacier mais pas du tout les aiguilles. Il nous a fallu remonter un peu vers le NW avant de pouvoir embouquer le canal Sarmiento. Puis du vent portant entre 15 à 25 noeuds avec des averses, beau temps pour la Patagonie. Beaucoup de dauphins joueurs nous ont accompagné durant cette navigation, et même lors de notre arrivée. On a mouillé vers 16h30 (grosse journée de 65 milles), au milieu d'une île plutôt plate, l'île Piazzi, contraste saisissant avec les habituels paysages de falaises entourant le canal et les mouillages, parois verdoyantes certes mais le plus souvent raides. Avons croisé un navire militaire chilien, sans AIS (sécurité oblige pour les militaires), il nous a salué de visu. Mine de rien ça fait depuis Puerto Eden, donc une semaine, qu'on n'a pas vu âme qui vive.
C'est de loin l'entrée la plus étroite qu'on ait faite, quelques mètres seulement entre les pâtés de Kelp, on (les guides) nous dit  qu'il y a au moins 5 mètres d'eau, l'ile est plate et ne nous cache pas du tout les 20 bons noeuds de vent d'ouest, confiance et ambiance.
Les topos conseillaient le trou de souris tout au fond du fjord mais on a décliné, d'une part il était petit glauque et verdâtre et puis le vent y venait de travers on aurait galéré pour s'amarrer. Donc mouillage avec plein de chaine, no soucy.

Caleta Jaime (7.3)
Ce matin après une nuit très calme, nous sommes partis de notre planque, pas de boutes à défaire car nous étions juste à l'ancre. Après avoir passé l'entrée très étroite avec 25 noeuds hier, la sortie par grand calme ce matin nous a paru bien plus zen! Et c'est par une belle journée, tantôt ensoleillée, tantôt grisonnante que nous avons hissé les voiles vers l'inconnu. Le canal Sarmiento que nous avons traversé aujourd'hui, est un large canal, bordé de petites iles pelées au premier plan et de hautes montagnes aux dents acérées en second plan. En haut de ces hautes montagnes trônent d'imposants glaciers, sous lesquels on peut voir naître une multitude de cascades, comme des veines sur une peau pâle de touriste nordique. Difficile de décrire le spectacle que nous offre la Patagonie, mais cette journée sans pluie, sans trop de vent, sans rafales, sans avoir froid aux pieds, a été un vrai plaisir.  Bref après avoir parcouru nos 51 miles, Orionde a pris son congé et s'est installé dans sa baie au sud-ouest de l'île Jaime. Avec un nom pareil, impossible de ne pas vous dire qu'on "Aime" l'endroit. La baie est pendant la saison de pêche un abri visiblement apprécié des pêcheurs, on y trouve une tonne de cordes, déjà accrochés aux arbres, ou nous pouvons nous amarrer. Une fois cela fait, nous partons pour une petite promenade. Collecte de moules nacrées, de cailloux et surtout petite grimpette pour voir tout ça d'un peu plus haut. Eh ben, ça vaut le détour, demain normalement pas trop de pluie, nous poursuivrons la balade plus loin et tenterons de monter au sommet! Car maintenant c'est retour au bateau pour préparer le festin du Réveillon... et poser la nasse à centollas. Y'a plus qu'à prier pour que la pêche soit fructueuse, ce serait un beau cadeau pour commencer cette année 2020. Alors voilà, il nous reste plus qu'à vous souhaiter une merveilleuse année ! Skelt ( Santé en Alsacien)!.

Caleta Desaparecidos (7.9)
Nous sommes dans le Canal Kirke, une des deux étroits canaux qui mènent au golfe Almirante Montt au fond duquel se trouve Puerto natales. Ce grand golfe se vide et se remplit par ces deux étroitesses ou étroitures, on dit Angostura en Chilien. Du coup le courant y est très fort et il faut passer à l'étale, sauf que l'étale, on ne sait pas bien quand elle a lieu. Chance un poil avant la passe, il y a une caleta où on s'arrête pour passer la nuit et se balader demain et "voir" la marée. C'est la Caleta Desaparecidos. Encore une caleta dont le nom n'est pas un nom local mais un nom donné par Giorgio, cette fois pour commémorer les disparus de la dictature. Malchance, l'accès est encombré par une corde flottante qui barre la mini baie de bout en bout. Certainement une corde mise là par les pêcheurs pour faciliter leur installation sans qu'on comprenne bien comment ils s'y prennent. Nous cela ne nous facilite pas du tout la tache. Pendant que Christine joue du moteur dans le vent et le courant, Aude et Yves vont péniblement défaire ce truc. Mais ensuite c'est calme à l'intérieur, l'installation est cool. Il y a un renard curieux qui nous regarde faire depuis la plage. En partant il faudra remettre ce p... de boute et ne pas se prendre trop de kelp dans l'hélice, la baie en est remplie.

Puerto Natales - Puerto Consuelo
Puerto Natales, on se pose et il n'y aura pas de mail quotidien avant de repartir Samedi prochain. On raconte un peu Puerto Natales. On y est donc arrivé hier en début d'aprem avec un vent bien bien établi, 25 noeuds accompagné par des dauphins fidèles et joueurs, quel plaisir. Au départ on voulait s'amarrer au quai des pêcheurs, ce qui n'allait pas être de la tarte mais quand on les a appelé à la VHF, la réponse a été laconique : "Negativo - Negativo, mais vous pouvez prendre la bouée NW", oui mais la bouée elle est en plein vent et en pleines vagues. Donc on a continué, plutôt soulagés finalement, jusqu'au fond du fjord à une douzaine de miles, à Puerto Consuelo où on mouille dans deux mètres d'eau et même avec le vent, il y a toutes les chances que l'ancre tienne, on y croit. On met 50 mètres de chaîne.... On fait du stop jusqu'à Puerto Natales, on loue avec difficulté une bagnole vu que c'est le coin le plus touristique du Chili et l'époque la plus courue. Donc ces prochains jours, c'est courses de bouffe, de fuel et de gaz, balade dans le parc Torres del Paine, renouvellement du visa, socialisation avec les copains, etc.

Torres del Paine
On va passer deux jours dans le parc et voir les tours, les cornes et les autres belles montagnes. La météo a plutôt été avec nous. Super balade de 8 heures le premier jour, un peu trop de monde mais rien à voir avec la Nouvelle-Zélande et ses soi-disant "plus belles randonnées du monde". Belles vues et beaux guanacos le lendemain, on est très content. C'est la première nuit qu'on ne passait pas à bord depuis le mois d'Aout et forcément en arrivant au coin de la baie en voiture, petit coup au coeur bref mais appuyé. Mais si ! Orionde est toujours au même endroit à son mouillage bien calme.