Rapa

Comme d'hab, toutes les photos ici : https://photos.app.goo.gl/QDxKbNNx2PKJbKTi6
Et, pas comme d'hab, une vidéo


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Rapa la désirée
Qu'est-ce que c'est attirant ces chiures de mouche sur les cartes ! Pitcairn, Brava, Providencia, Futuna, Suwarrow, Ureparapara et les autres. On a l'impression de vivre son voyage plus intensément quand on sort du "beaten track". C'est un gage d'exotisme d'accord mais - pas sûr que ce soit très glorieux -  c'est sans doute un peu pour avoir l'impression de faire mieux que les autres.

Enfin quelles que soient les motivations, on voulait venir à Rapa, on nous disait c'est pas sûr c'est pas sûr, tu finiras peut-être à Maupiti si le vent est trop Sud-Est. Et bien voilà on y est et bien contents d'y être. On ne répètera jamais assez qu'on a eu une chance inouïe pour la météo depuis la Nouvelle-Zélande.


Rapa l'isolée
On raconte que Le Goffic,  gendarme en poste dans les années 1910 1920, a appris par le même bateau la déclaration de guerre et l'armistice ! Bon maintenant il y a des téléphones portables et les paraboles de télévision mais il n'empêche. L'ile n'est visitée qu'une fois toutes les 4 à 6 semaines par le Tuhaa Pae qui ravitaille les Australes depuis Tahiti et qui emmène et ramène les collégiens sur Tubuaï, la plus grande des Australes à 400 milles au nord.

Il y a une douzaine de voiliers qui passent par ici chaque année. La plupart sont des récidivistes qui tournent en boucle entre les cinq archipels de la Polynésie en suivant le cours des vents et des saisons. Ils viennent à noël - c'est l'été -  quand le vent se calme sur Rapa. Cette année nous sommes le premier et on ne verra pas voile qui vive pendant notre séjour.

La plupart des habitants sont d'origine de Rapa, les quelques tahitiens ou tahitiennes ramenées ne s'y font pas vraiment. Les quelques évacuations sanitaires se font par hélicoptère depuis Tahiti (6 heures de vol et deux escales), on voit où passent nos impôts !


Rapa la ventée
Faut dire que Rapa ne brille pas pour son climat. C'est l'ile la plus arrosée de Polynésie, la pluie qui arrive avec les vents d'ouest qui accélèrent sur les pentes qui descendent vers le mouillage au centre du cratère (on dit des vents catabatiques quand on veut faire du name dropping).

 Et quand il n'y a pas de vents d'ouest il y a les vents d'est, moins forts, mais qui rentrent en rafales dans le cratère ouvert justement à l'est et qui y créent un clapot pour le moins désagréable. C'est le Maraamu qui partage avec le Mistral le relatif beau temps, la fraicheur, la durée, les rafales.

On est en plein dans une bouffée de Maraamu depuis notre arrivée. heureusement un bateau a eu l'idée et le mérite de convaincre la commune d'installer un corps-mort au milieu du cratère. On y est amarré très solidement mais on danse, on danse. les aller-retour en dinghy sont humides et sportifs, les nuits sont hachées par les rafales mais bon on ne va pas se plaindre quand même.

D'ailleurs, on aurait des raisons de se plaindre si on était en mer entre NZ et Rapa, il ne ferait pas bon y être coincé entre deux dépressions et un "big high", un gros anticyclone stationnaire bien calé au Sud qui donne par ici des vents d'est bien soutenus.




Rapa la posée
A Rapa, le climat n'est pas calme mais la vie, elle est bien calme. 500 habitants avec 50 fonctionnaires (météo, école, dispensaire, mairie, équipement, etc) et quelques (3) commerçants pour nourrir les fonctionnaires. Cela fait 25 ans que le maire est aussi en poste à la poste, 26 ans que le policier policie ici autant dire qu'on ne se presse pas à Rapa... sauf les matins quand il fait beau pour partir à la pêche.

A Rapa, il y a l'administration française mais il y a aussi le Conseil des Sages, une douzaine de membres élus qui gère la terre. Il n'y a pas (encore) de cadastre à Rapa et celui qui veut construire une maison ou faire son fa'a pu (=jardin) sur une nouvelle parcelle doit demander au Conseil.
   
A Rapa, la vente d'alcool est interdite. Bien entendu les habitants peuvent en commander à Tahiti avec leur ravitaillement mais il n'y en a pas dans les magasins. Cela a beaucoup réduit le travail du mutoï (policier) dont les seules interventions consistent à arrêter les bagarres du samedi soir.

A Rapa, il y a une réserve qui fait les deux-tiers du tour de l'ile. On n'y pêche qu'exceptionnellement (quelques fois par an) pour sauvegarder la ressource et ça marche.

A Rapa, le premier dimanche du mois, tous les habitants se retrouvent alternativement dans un des deux villages de chaque côté de la baie, d'abord pour l'office dans une des deux églises mais aussi et surtout pour une bonne bouffe tous ensemble.

A Rapa, on a voté contre la construction d'un aéroport pour garder le charme et le calme de l'ile. Bon c'était facile, la construction d'un aéroport demanderait de déplacer des montagnes pour une utilisation hypothétique vu la force des vents.


Rapa la délaissée
C'est bien joli tout ça mais quand on a 25 ans, on s'y emmerde un peu à Rapa. Beaucoup de jeunes s'en vont et on ne compte plus les maisons où seuls perdurent les vieux (enfin les gens comme nous) leurs enfants étant soit à Tahiti, soit en métropole (le plus souvent à l'armée).
Ne restent que ceux qui ont un boulot de fonctionnaire bien payé et aussi ceux qui n'ont pas les moyens (pas financiers) de faire leur vie ailleurs. Cela ne présume pas bien de l'avenir.

Rapa l'escarpée


 
Une ile quasi toute verte, la végétation recouvre les pentes jusqu'à 89 degrés d'inclinaison. Une ile au passé volcanique tourmenté qui lui donne sa forme en fer à cheval et explique l'absence d'aéroport. Il faudrait abattre des montagnes pour avoir une piste riquiqui qui ne serait même pas dans la direction des vents dominants.

Une ile avec un grand cratère et une quinzaine de baies, qui devaient être autant de villages il y a quelques siècles. Villageois qui bien sûr se faisaient la guerre pour piquer les femmes ou manger le chef ou voler les cochons (mais il n'y avait pas de cochons en ces temps-là). Du coup , ils construisaient des forts en haut des montagnes pour voir l'ennemi arriver. Il y en a une bonne vingtaine de ces forts qui sont de magnifiques buts de randonnées.

Comme aux Marquises, les randos à Rapa sont vite difficiles d'abord parce qu'il n'y a pas de sentier sauf ceux tracés par les boeufs sauvages et par les chasseurs. Et quand sentier il y a, il court sur les arêtes et ce n'est pas pour nous rassurer même quand la végétation empêche de voir le vide.
Chance, un popa'a original, André, est sur l'ile actuellement. Il vient chaque année, entre deux rotations du Tuha'a Pae - donc 4 à 6 semaines - séjourner à Rapa. C'est la treizième fois qu'il vient arpenter l'ile de son pied sûr. Autant dire qu'on n'aurait pas trouvé meilleur guide et les quelques randos vers les différents forts qu'on a fait avec lui resteront mémorables.



Rapa l'occupée
A Rapa, il ne reste pas grand chose d'endémique mais quand même quelques arbustes que l'on essaye de soustraire  la voracité des chèvres en clôturant avec du barbelé (Hé oui, même ici). Sinon les végétaux importés occupent le terrain.

Rapa est probablement la seule ile de Polynésie où les cocotiers ne poussent pas. Ils ont bien essayé de l'acclimater mais pas assez de soleil, trop froid, les arbres survivent mais ne donnent pas de noix et les Rapanais (ou les Rapaiens ou les Rapas tout court), en sont réduits à faire leur poisson cru avec du lait de coco en boite. Pouah !! Sauf quand le Tuha'a Pae, toujours lui, amène quelques sacs depuis Raivavae.

A Rapa les fougères sont reines, quelques fougères arborescentes probablement arrivées à la dérive depuis la Nouvelle Zélande, mais surtout des fougères comme chez nous arrivées d'on ne sait où. Enfin comme chez nous ici elles font trois mètres de haut et lorsqu'on est obligé faute de sentier de se frayer un chemin, on y va en sous-marin à coups de galipettes ou presque.

A Rapa, les goyaviers sont partout. Invasifs, ces goyaviers chinois surtout donnent au mois d'Avril des milliers ou plutôt des millions de fruits rouges, plutôt goutus (mais rien à voir avec de bonnes groseilles framboises ou cassis de chez nous), dont certains d'entre nous se gavent tout au long des randonnées et qui font de bonnes confitures. On se demande si les forts et les sommets resteront accessibles dans quelques années à cause de ces arbustes qui résistent à la machette.

A Rapa, les pins sont également invasifs, le Conseil des Sages d'ailleurs encourage la dépinification. Il faut dire que au dessus de Ahurei, il n'y a plus que cela. Ces pins, introduits volontairement, deviennent une plaie et sont difficilement exploitables vu la raideur des pentes et les difficultés d'exfiltration de l'ile.

A Rapa, la seule plante importée utile c'est le café...mais c'est dur de ramasser et de traiter les grains de café. Et le Nescafé est si bon marché au magasin. Et finalement on n'a pas vraiment besoin d'argent. Et pourtant le territoire achète ce café trois fois son prix (comme le coprah aux Tuamotu) histoire de maintenir un semblant d'économie factice.




Rapa la regrettée
On est parti après dix jours seulement, par une belle fenêtre météo et avant une nouvelle détérioration avec vent du Nord. On mettra juste 48 heures pour atteindre Raivavae à 300 milles au Nord, Raivavae que l'on aperçoit juste à quelques milles devant l'étrave en écrivant ces lignes.
On est parti un vendredi, dommage le dimanche suivant c'était, comme tous les premiers dimanches du mois, la fête alternativement à Ahurei ou Area, les deux villages du cratère. Fête = office religieux avec force himenes et sermon virulent + grande bouffe avec force poisson, tarot, firifiri
On est parti le 3 Mai, dommage le premier Mai marque l'ouverture de la pêche à la langouste, mais il y avait de toute façon trop de vent pour y aller.

Avant de partir, on a mis notre contribution dans le guest book :