Vagabondage en Octobre au Vanuatu

On a continué de tisser notre toile entre les iles du Vanuatu, sans se lasser. D'abord un p'tit tour tous les deux puis un grand tour avec Pascale qui a eu dix jours de retard pour une histoire de passeport pas assez valide.

Donc Port-Vila, Tongoa,  Paama, Port-Sandwich, Port-Vila, Maskelynes, Port-Sandwich, Ambrym, Penticost, Vao, Walla, Uri, Banam, Port-Sandwich, Port-Vila.

Le temps n'a pas toujours été de la partie, avec par exemple une nuit bien trop ventée à Ranon sur Ambrym et des trombes d'eau éclairées à Loltong sur Pentecôte. Mais on a quand même eu de temps en temps du ciel bleu, avec une mer joliment calme, brièvement entre deux averses. Les calédoniens qui viennent régulièrement le disent, c'est une saison pourrie. Mais cela ne nous a pas empêché de prendre beaucoup de plaisir à faire de nouvelles découvertes avec Pascale ou de l'emmener revoir nos coins et nivans préférés.

On pourrait aussi raconter un peu l'histoire et les particularités du Vanuatu, Mais Carole et Daniel de Folligou l'ont si bien fait. Pour les aficionados, c'est à lire là https://www.folligou.fr/mélanésie/l-archipel-du-vanuatu

Donc ici juste quelques faits marquants, chronologiquement quand même, de ce mois d'Octobre...


L'école de Lehili à Paama
En attendant Pascale, on n'allait pas rester plantés à Vila, donc on est partis quelques jours vers les Sheperd, des petites iles beaucoup moins fréquentées parce que un peu au vent, et sans bons abris. On passe Mataso, l'ile aux deux collines et aux cinquante habitants (trop petite pour bloquer la houle et être abordable avec notre chti dinghy), on voit au fond Emae (l'ile aux trois collines où l'on s'était arrêtés avec Sarah and co), on s'arrête 24 heures à Tongoa qui borde un immense volcan sous-marin un peu actif (il n'y aura pas eu d'éruption sous la quille ouf), on longe Lopevi, un autre volcan actif, émergé celui-là, avec son cône parfait de 1000 mètres (dont on n'aura vu que les 300 mètres du bas vu le temps maussade).

A Paama, le mouillage est meilleur et on tombe sur les institutrices de l'école française (catholique bien entendu) qui s'en reviennent en bateau et qui nous invitent le lendemain pour la journée mondiale des enseignants (si si ça existe). Donc on ira mouiller devant l'école à Lehili un peu au Sud. Colliers de fleurs pour les notables (instituteurs des écoles de l'ile, chefs des villages, et bien sûrs les deux marins de passage), discours un peu longuets (mais cela permet de pratiquer notre bislama), poèmes ânonnés par les enfants, et bien sûr kaikai de ouf (on se rappelle que kaikai veut dire manger).    




   
Les dugongs des Maskelynes
Les Maskelynes, ce sont tout un tas de petites iles au Sud de Malekula avec plein de mouillages et plein de mangrove et plein de récifs et aussi plein de dugongs.
Les dugongs ce sont des bêtes de la famille des lamantins que certains il y a bien longtemps ont pris pour des sirènes. Dugong se dit kaofis en bislama, ça se prononce cowfish à l'anglaise et on aura compris que les locaux l'appellent le poisson vache dont il a la nonchalance, le régime, le regard, voire la beauté.

A Lamen Bay sur l'ile d'Epi il y a un dugong sédentaire qui vient tourner autour des bateaux, A Pango sur Efate, ils viennent jouer avec les surfeurs dans les vagues. Mais les dugongs des Maskélynes ils sont un peu sauvages et pour les voir il faut se bouger. Donc Kalo nous emmène sur son banana boat (comme on appelle ici les bateaux à moteur) le long du récif où pousse l'herbe marine dont ils raffolent. Bingo ! On les voit venir respirer à la surface et on y va nager avec eux tout doucement sans palmer trop fort. Il y a des grands des petits, tout un troupeau. Et l'eau est miraculeusement claire. Pas farouches mais pas non plus amicaux au point de faire des cabrioles avec nous ou de rester trop longtemps. Mais bon on peut cocher Dugong. Merci Kalo, c'était une belle après-midi.

Et le lendemain, c'est dimanche, office, presbytérien cette fois, tout aussi abscons. A la sortie, les notables (dont nous of course) ont serré les mains des trois cent personnes en répétant "god bless you" ou juste "bless" à chaque poignée de main, un entrainement pour une prochaine vie politique !


        
Les paniers avec Carmeline et Mary
Au marché, dans les rues, sur les chemins, partout on voit des paniers, paniers tressés en feuilles de coco ou en feuilles de pandanus le plus souvent. Le tressage des feuilles, ils connaissent bien dans le Pacifique, on en avait déjà vu en Polynésie, mais ici ils tressent encore plus : des nattes, des habits, des chapeaux, des paniers, .... Les rois du tressage et donc des paniers ce sont les habitants de l'île de Pentecôte. Mais les paniers faits à l'île de Futuna (il y a plusieurs îles appelées Futuna , dont une au Sud Vanuatu) sont presque aussi beaux, et avec un pandanus un peu plus sec, doré au soleil.
Avec Pascale nous avons appris à faire les petits paniers avec les feuilles de coco, ce sont ceux là qui sont utilisés dans les marchés, au lieu des sacs plastiques, pour y mettre les tomates, les poivrons, les patates douces, .... Nous avons appris avec Carmeline, qui est l'amie de Adeline, la soeur de Rock de Port Sandwich. Carmeline est très forte en panier coco, et elle est très bon professeur, en une heure de temps nous avions fait chacune deux jolis petits paniers (photo). Quand on en a refait un à bord, on a bien vu qu'on avait compris (yes !) mais notre panier n'avait pas la rondeur et la symétrie de ceux que nous avions fait avec Carmeline. Ca doit être comme le tricot au début, il faut régulièrement s'assurer de la bonne tension sur chaque brin de feuille.
Mary de Pentecôte est experte en tressage du pandanus, elle fait des très belles nattes avec du rouge qui servent d'habits lors des danses coutumières. Elle nous a donné un joli panier pandanus à chacun, et pour la remercier nous lui avons "montré" comment on faisait les paniers en feuilles de coco, elle disait ne pas vraiment savoir faire ....
La coutume des habitants de Pentecôte c'est d'offrir un panier chaque fois que l'on veut rendre hommage à quelqu'un, c'est ce que les danseurs de symbolo red light avaient amené comme cadeau à l'oncle Patrick (oncle de Viviane).


            
Le volcan Marum à Ambrym
Il faisait partie des objectifs, on l'a atteint. Il paraissait hors de portée de randonneurs aux genoux fragiles, que nenni. Il nous a quand même réservé une petite mauvaise surprise.

Il, c'est le volcan Marum, un des deux volcans actifs d'Ambrym. Pas d'éruption gigantesque depuis 30 ans mais des bonnes giclées de lave de temps en temps et un des rares lacs de lave bouillonnante qu'on peut voir de par le monde.

Elle, c'est Ambrym, on l'appelle l'ile noire à cause de la poussière de lave qui recouvre une bonne partie de l'ile mais aussi à cause de la magie noire qui fait frissonner les Nivans, qui eux te regardent de travers quand tu en rigoles. Il n'y a qu'à regarder dans les yeux, ou plutôt dans les trous des yeux, le masque noir que nous a donné John Willie pour frissonner aussi.

Trèfle, on est venu ici pour monter au Marum et voir le lac de lave bouillonnante 300 mètres plus bas au fond du cratère. Départ à six heures du mat, une heure de 4x4 sur des pistes improbables à peine visibles, puis trois fois une heure de balade. Une bonne heure pour sortir de la jungle, une petite heure dans la "ash plain" grise et verte pour arriver au pied du volcan, une grosse heure pour arriver au bord du cratère qui n'est qu'à 1000 mètres d'altitude.

On entendait la lave bouillonner au fond, on sentait son odeur de soufre, on ressentait fort la chaleur mais on n'a pas vu le lac en contrebas, noyé dans un mélange de nuages et de fumée. Ce qui ne nous empêchera pas de mettre ici une photo !
Et l'autre photo, c'est le rougeoiement de la lave qui se reflète dans les nuages en pleine nuit

Mais c'était une très belle randonnée en compagnie de John Willie le guide et de Zigzag, un couple d'allemands avec leur bébé de un an en bandoulière, leurs deux grands (!) de 3 et 5 ans étaient restés près des bateaux chez une famille d'accueil.


           
La balade à Melsisi sur Pentecôte
Loltong un lundi matin, 6 heures, on embarque Matthew et Mary à bord d'Orionde, direction Melsisi, la mission catholique 10 milles plus au sud. Comme le mouillage est franchement mauvais là-bas, nous ferons l'aller et retour Loltong-Melsisi dans la même journée, trajets quasi toujours au moteur, pas de vent ou de face, dommage  ....  Melsisi est un gros village, dominé par la mission avec une église qui rivalise de grandeur avec la cathédrale de Port Vila, c'était la plus grande église du Vanuatu avant la construction de la cathédrale, c'est pas peu dire. Et on verra sur d'autres îles, Nord Mallicolo notamment, des églises construites sur le même modèle que celle de Melsisi.

A la mission de Melsisi, francophone, il y a école primaire, secondaire et internat. C'est le village de Mary, elle nous montre la maison de son grand père, elle connait beaucoup de gens ici, dans chaque boutique il s'agit d'une cousine à elle. Il pleuviote, il y a un peu de gadoue, mais c'est pas grave. On déjeune avec la soeur, et la belle-soeur de Mary et de nombreux enfants, à l'abri sous un préau. On profite du boulanger qui fait le pain tous les jours pour l'école, on lui en achète quatre, ils sont délicieux !
Ensuite on part en truck, grâce à Matthew qui en a trouvé un de libre, jusque Farabibi le village de Carmela (maman de Viviane) et de Patrick (oncle de Viviane). Plusieurs femmes sont en train de faire du tressage, sous une grande case. On discute un peu, et on leur montre les vidéos des danses de Pentecôte lors de l'inauguration de la chapelle à Symbolo red light. Elles sont ravies, et en redemandent. Merci les vidéos sur le tel portable !


    
Les nasaras de Vao et Wala
Malakula (Mallicolo pour les francophones anglophobes) est constellée de baies et d'ilots sur sa côte Est. Heureusement car comme c'est la côte au vent elle serait bien inhospitalière sinon. En venant de Pentecôte, on visitera successivement Vao, Wala, Uri, et Banam Bay. On aurait pus'arrêté aussi à Rano, à Atchin, à Crab Bay et bien d'autres.
Tous sont des mouillages excellents. Pas d'autres bateaux voyageurs, la saison tire à sa fin.

La spécialité locale, ce sont les nasaras, des terrains aménagés pour la kastom dance (danses coutumières) qui sont une des spécialités du Vanuatu. Pour danser il faut des tamtams, alors on en fait un à chaque occasion en bois d'arbre à pain parce que cela se taille vite. Mais la durée de vie est faible, deux ou trois ans pas plus, les vieux tamtams pourrissent doucement sur les côtés. Par contre autour du nasara, des pierres plates érigées en fauteuils, un par ancêtre, qui défient le temps.

Lucie nous fera découvrir les nasaras de Vao, Gerette ceux de Wala. Et pourtant les femmes n'ont pas vraiment le droit d'y aller mais elles nous y emmènent quand même. On n'a pas le droit de faire des photos mais elles nous disent d'en faire quand même... Tout se perd, mon pauvre monsieur.

Les occasions de danser, c'est la fête de la circoncision (au bambou s'il vous plait), c'est une cérémonie de deuil (100 jours durant le feu brule dans le nakamal), c'est un passage de grade (pour être plus chef que les autres chefs), c'est même l'inauguration d'une église (voir ailleurs le topo sur la fête à simbolo redlight).

Mais les danses maintenant sont le plus souvent à l'intention des touristes et cela perd beaucoup de son charme. On aura cédé à la tentation à Ureparapara et aux Maskélynes mais pas à Malekula.

     

Et le plus beau spectacle qu'on ait vu, c'est la "water music" de Gaua. Rien de "coutumier", juste les femmes qui s'amusent.


Les gens de Banam Bay   
Le mouillage est excellent, baie très protégée, mais on est loin de la terre si l'on suit les indications de mouillage des guides. Aurait-on du oser nous rapprocher ? Il semble quand même y avoir de nombreuses patates....
On peut débarquer à plusieurs endroits sur la plage, il y a de nombreuses habitations, très bien entretenues et fleuries. La première maison c'est celle de Eda et ses enfants, puis vient celle de Killian (un des neuf enfants de John Eady et Lei Nowin), et ensuite celle du chef John Eady. Le pauvre, ce dernier n'a plus toute sa tête, il l'a perdue trop tôt pour son âge. C'est survenu il y a trois ans, magie noire d'après sa femme, trouble cérébral touchant essentiellement les fonctions supérieures d'après nous. Cette famille est fort sympathique, et Lei Nowin nous emmène l'après-midi à la fête visant à récolter des fonds pour qu'un homme du village, la quarantaine (déjà deux enfants avec sa compagne), puisse payer sa femme et donc se marier. Tout le monde a préparé du lap-lap, et un boeuf a été tué. Chacun vient faire son offrande à l'homme qui veut se marier, la somme perçue de chacun est consignée par écrit dans un cahier, et chaque famille repart avec plusieurs plats complets, format adulte ou format enfant, contenant riz, laplap, légumes et petits morceaux de viande de boeuf en sauce, le tout enveloppé dans une feuille d'heliconia. Cette fête lui aura permis de récolter environ 60 000 vatus. Il semble que cela soit très courant au Vanuatu que les personnes se marient seulement après 5 à 10 ou 15 ans de vie commune, il est nécessaire de réunir les fonds suffisants ainsi que les membres de deux familles au même endroit lorsqu'il s'agit de mariages entre des personnes d'îles différentes. 



    
Tanna, le film mais pas le volcan   

L'ile de Tanna est à 100 milles au Sud Est de Port-Vila (exactement d'ou vient le vent !!).
L'ile est célèbre pour son volcan, le Yasur, qui lance des feux d'artifice depuis toujours.
On paye 100 euros (c'était gratuit pour Yovo il y a 7 ans !), on monte au bord du cratère (en voiture ou presque), on s'assied avec sa petite laine et on s'exclame Oh la belle rouge, Oh la belle jaune, ... Tous ceux qui y sont allés en sont revenus enchantés.

On l'a raté au début, puisque c'était l'objectif visé avec Sarah et Aurélien mais qu'on avait bifurqué sur Port-Vila pour cause de vent trop Sud et pas assez Est.

On l'avait donc reprogrammé à la fin su séjour en faisant même rentrer Pascale en avion jusqu'à Vila pour son vol international. Mais c'est raté aussi. Les 48 heures de bords à tirer, le peu de gout de Pascale pour la gite et le tangage, l'incertitude sur son avion (pas mal d'annulation ces derniers temps), la dépression 25+ qui s'annonce pour le 13/14, le vent qui se remet au Sud ensuite pour une durée indéterminée, chacune est une bonne raison pour abandonner.

Donc on abandonnera Pascale sur le quai de Port-Vila le 9 novembre au petit matin et on voguera vers la Nouvelle-Zélande, 1000 milles au Sud et donc on ne verra pas Tanna et son volcan.

Tant pis mais Victor, qui s'y était arrêté en 2014, nous re-racontera.

Mais Tanna c'est aussi un film qui s'y déroule et qui donne une bonne idée de ce qu'était le Vanuatu il y a 40 ans. Ce film australien a été nominé aux oscars, c'est une histoire d'amour qui se heurte aux lois de la coutume, on recommande (le film pas les lois de la coutume).

Les plans du volcan en éruption sont magnifiques, on ne se lasse pas de voir Selim courir dans les sentiers de Tanna avec ses pieds nus et sa jupette de pandanus et de voir Wawa et Daïn s'enlacer en haut du volcan avec les étincelles en arrière-plan.

Il parait que la tribu des Yakel, qui y joue le rôle principal, continue à vivre comme dans le film après avoir résisté, je cite, "au pouvoir colonial, à l'insistance des missionnaires, au leurre de l'argent". Si c'est vrai il faut maintenant  qu'ils résistent à l'attrait de la gloire et au mythe qu'ils ont suscité. Donc ne surtout pas essayer d'aller les voir, OK ?