Mise à jour quelque temps plus tard : on nous a fait remarqué que nous étions trop "nominatifs" donc dorénavant tout le monde s'appelle Vaiana ou Maui.
10 jours en immersion à Mopélia, c'était vraiment une bonne escale, la cerise sur le gâteau polynésien. On y aura trouvé la chaleur de l'accueil et l'exubérance de la nature polynésienne comme dans les livres.
Comme on est tôt en saison, on aura eu l'atoll et les atolliens presque rien que pour nous. Un américain en provenance des Cook a fait une courte escale, le temps de faire du ski nautique sur le lagon (quelle incongruité !) et un cata charter en provenance de Tahiti est arrivé la veille de notre départ.
Comme on est passé par Maupiti et qu'on a amené leurs affaires, tous les habitants ont été aux petits soins pour nous, nous invitant à manger, nous amenant crabes et langoustes, nous promenant à la passe, à l'ile aux oiseaux au nord ou à la plage au sud, nous emmenant pêcher un peu partout.
Comme le coprah a été récupéré il y a trois semaines, ils sont plutôt en "vacances", à bricoler les maisons et donc ils étaient très disponibles pour nous chaperonner.
Comme toute la vie ici tourne quasi exclusivement autour de la pêche et de la bouffe quand on ne fait pas le coprah, après une dizaine de jours, on a eu envie de reprendre notre chemin, surtout ceux d'entre nous qui ne chassent pas.
Démogéographie
A 100 milles de Maupiti et à 150 milles de Raiatea, Mopélia est un atoll plutôt grand, plutôt rond, de 10 km de diamètre, une passe unique et minuscule (on en a abondamment parlé !) mais pourvu d'un très grand motu de 8 km de long couvert de cocotiers. Quelques autres petits motu sont squattés par les oiseaux.
Pas de village, une douzaine de maisons sont éparpillées sur les 8 km et abritent une quatorzaine de personnes. Ce sont tous des habitants de Maupiti qui viennent passer quelques mois sur Mopélia pour faire le coprah et aussi pour retrouver un rythme de vie qui leur convient.
En lisant les blogs, il semble que depuis le cyclone de 1997, la population soit passée de 60 à 4 puis oscille désormais entre 10 et 20 personnes.
Economie
Avant on élevait de l'huitre perlière à Mopélia, pas tellement pour les perles mais plus pour les naissains (agglomérat de larves d'huitres sur des cordes effilochées) qui étaient envoyés ensuite vers les fermes perlières des Tuamotu et de Raiatea. C'est complètement fini maintenant, un peu parce que les cyclones d'il y a 20 ans ont tout détruit et sans doute un peu parce que les Gambier ont pris le relais avec un environnement plus propice (bonne température à une bonne profondeur).
Donc c'est le coprah, encore le coprah, toujours le coprah, le coprah qui, on l'a déjà dit, est porté à bout de bras par l'administration Française qui le paye 140 XPF (1 euro 20) le kilo soit deux ou trois fois le prix du marché.
Les bisbilles et autres animosités font que le motu est sous-exploité, seulement une vingtaine de parcelles de 200 mètres sont exploitées sur les 40 de l'île. Du coup le bateau ne vient désormais que tous les six mois, beaucoup moins que par le passé.
Il y a quand même une organisation en coopérative pour le coprah, elle permet la mise en commun du tracteur pour ramener les sacs de coprah au port, le partage d'un tel satellite pour échanger avec la famille et les amis de Maupiti, l'organisation de la venue du Tahiti Nui VI (y compris mettre les bouées signalant les patates juste après la passe), ...
Communications
Pas simple de venir à Mopélia ou d'en partir.
Solution 1 : le Tahiti Nui VI, petit bateau qui se faufile dans la passe et se plante, telle une péniche de débarquement, au ras de l'ile pour charger le coprah et pour décharger tôles pour les toits et carburants pour les moteurs, hors-bords mais aussi tronçonneuses et même un quad et un vieux land-rover. Il ne vient que lorsqu'il y a assez de coprah pour que cela en vaille la peine, une fois tous les six mois ces dernières années.
Solution 2 : le speedboat qui met 6 heures pour venir de Maupiti mais qui coute une blinde 300/500 euros le voyage, autant dire qu'on y laisse tout son coprah !! Et bonjour le voyage dans ces petits bateaux ouverts, surtout Mopélia-Maupiti contre le vent et les vagues.
Solution 3 : venir avec un voilier. Il doit y en avoir une trentaine ou plus par an qui passent par Maupiti entre Mai et Octobre et qui emmènent volontiers quelqu'un ou quelque chose. Pour les habitants de Mopélia, les voiliers sont le meilleur moyen d'aller et venir de Mopélia, et en plus c'est gratuit ! Alors quand tu leur amènes leurs affaires, ils t'accueillent comme un pape et te soignent aux petits oignons.
Solution 4 : on est quand même au xxi ème siècle donc s'il y a un problème grave, on t'évasane (du verbe evasaner, contraction d'évacuation sanitaire, verbe exclusivement polynésien). Un bateau peut être là en six heures de Bora ou Maupiti ou un hélicoptère en deux depuis Tahiti. C'est arrivé deux fois l'an dernier, accidents de travail du coprah.
Pas simple de communiquer depuis ou vers Mopélia.
Avant, on captait la radio et Polynésie 1ere qui relayait les messages personnels pour les habitants de Mopélia, mais c'est fini et probablement lié à l'arrêt par la France de la diffusion de RFI sur les grandes ondes. Du coup pas de station radio pour savoir ce qui se passe en dehors de l'atoll, par exemple les résultats des élections pour l'assemblée de Polynésie de dimanche dernier !
Avant il y avait la BLU et "Marine radio" qui transférait les appels téléphoniques. Ceux qui faisaient du bateau il y a quarante ans s'en souviendront.
Maintenant il y a le téléphone satellite. Ceux qui font du bateau savent que ça coute 2 euros la minute !
Mais les polynésiens ont un rapport à l'argent qui s'approche de leur rapport à la bouffe ou à la boisson. On ne compte pas, tant qu'il y en a on y va à donf, après il n'y en a plus, on attend que ça revienne.
Donc on téléphone à Maupiti pour un oui ou pour un non, pour dire qu'il faut mettre du poulet dans la glacière sur le prochain voilier, ... Soit on utilise le téléphone satellite de la coopérative et les sous sont décomptés du coprah. Soit comme Maui6 , à qui un fils militaire a acheté un iridium, on dépense 17500 francs pacifiques - 150 euros - par mois pour 75 minutes, plus que le budget internet/téléphone/télé de toute une famille chez nous !!
Personnalités
Ca va ça vient, une vingtaine de personnes travaillent sur Mopélia. Il y en a toujours quelques-uns qui sont partis voir la famille. On se déplace sur la route qui parcourt tout le motu qui en vélo, qui en scooter, en quad, en méhari. Nous c'est à pied qu'on arpente le motu et c'est convivial, on voit tout le monde. Et les chiens sont plutôt cool, aboyeurs mais frétillants. Ceux qui sont attachés c'est parce qu'ils ne peuvent pas s'empêcher de courser les poulets.
Donc, du Nord au Sud :
Maui1 le président... de la coopérative, pas de l'ile ni de l'archipel. Il est à Maupiti pour le renouvellement du bureau de la dite coopérative. Il habite la grande maison devant la plage du nord qui attire le voilier en recherche du bon mouillage. Ses filles Karina et Faimano sont là et nous offrent gentiment des cocos et nous parlent de leur rêve d'aller au Machu Pichu. C'est le seul, avec Bowie, à avoir un congélo, les autres se démerdent sans. On aura compris que Marcello n'est pas très partageur. Aux toutes dernières nouvelles, Maui1 était un futur ex-président, les élections du bureau de la coopérative ont eu lieu juste après notre passage et c'est Vaiana la femme de Maui2 qui va prendre sa relève.Maui2 le samaritain... Ce sera notre ange-gardien, nous emmenant partout, pas question (de temps en temps au grand dam de Christine) de prévoir une demi-journée sans activité avec lui. Il sait ce que les voiliers aiment, la pêche au filet et au fusil, les petits poissons multicolores dans le corail par un mètre d'eau, les sternes et les frégates qui pondent sur le motu au nord, la plage de sable clair, la passe et son courant, les langoustes, les kaveu et les bénitiers...
Grand amateur de café et de films d'action sur le bateau, il viendra y passer le week-end quand on ira dans le Sud.
Grand pêcheur, c'est grâce à lui qu'on fera des festins de Varo (squille chez nous). Quelle patience... il faut un moment pour trouver un trou de varo, avec une entrée grosse comme le petit doigt, y mettre délicatement son hameçon (à poulpe), attendre (longtemps) que le male attrape l'appât et s'empale sur les pointes, le retirer doucement et l'attraper par le cou sans se faire prendre par les pinces ultrarapides et ultracoupantes, bcp plus risqué que le pataud crabe de cocotier. Et ensuite c'est au tour de la femelle qui partage le même trou. Mais ensuite, frits au beurre, quel régal.Maui2 a la goutte, plus question de courir sur le récif, c'est le royaume de Maui3 (voir plus bas).
On aura compris, c'est chez Maui2 (dit Papa Maui2) bien sûr qu'il faut débarquer en dinghy quand on arrive la première fois.
Facile il a marqué le chenal avec des bouées vertes.
Maui3 le discret... accueillant quand on passe devant chez lui mais pas très causant, prétextant d'une blessure à la jambe pour ne pas venir aux fêtes.Maui4 le grizzli... Une force de la nature, plus capable de mettre une tortue de 80 kilos dans son bateau que de mettre plusieurs mots dans une même phrase.
On aura compris qu'il ne faut pas parler de tortue, l'environnement nous écoute peut-être.Maui5 le baba-cool dégingandé, joueur de ukulélé, grand coureur de récif, un peu le Tarzan de l'ile... et, cela ne s'invente pas, il vit avec Jane, une italienne énamourée et égarée par ici. Maui5 emmènera Yves sur le récif le jour et la nuit, au vent et sous le vent, à pied et en plongée ...mais c'est lui qui trouvera les langoustes à chaque fois, pas Yves (sans doute malchanceux mais surtout trop occupé à regarder où il met les pieds pour voir le reste).
Il faut le voir, Maui5, attendre l'accalmie entre les vagues, puis se précipiter à l'extrémité du récif, plonger la tête et le masque dans un trou et ressortir de temps en temps avec deux langoustes et courir en arrière pour ne pas se faire renverser par la vague suivante.
On aura compris que c'est avec Maui5 qu'il faut aller explorer le récif.
Vaiana2 l'invisible... la seule qu'on n'ait pas vu, elle était dans le nord quand on était au sud et vice-versa.
Maui6 dit Koh-Lanta... à cause d'une ressemblance avec le polynésien qui a participé à ce truc télé. Il vient d'arriver sur l'ile et il a tout à faire, construire sa maison, débrousser sa parcelle, ... il ne chôme pas. Lui qui a vécu dix ans à Chambéry, ça le change. Dommage qu'il ne s'entende pas - du tout - avec Maui6 , on l'aura moins vu que les autres. Mais c'est lui qui nous a offert quatre kaveu énormes le jour de notre arrivée.
Vaina3 la soiffarde : on ne l'a jamais vue à jeun. Elle carbure au como comme les autres, mais quand même plus que les autres. Le como, c'est la boisson locale, à base de levure, de sucre, d'eau et de fruits. Fermenté, décanté, filtré on arrive avec de l'expérience à un truc buvable de 15 ou 16°. On fait du como dans toute la Polynésie mais ici à Mopélia c'est une institution. Chacun fait le sien, celui de Maui2 à la papaye est bon (il en reste sur le bateau, avis aux amateurs), celui de Maui6 au citron est potable, celui de Maui4 est à la fraise chimique, berk et celui de Vaiana2 est "naturel", aigre et imbuvable. Dans le colis qu'on lui a amené de Maupiti, il n'y avait d'ailleurs que de la levure !
On aura compris qu'il n'est pas raisonnable de laisser un pack de Hinano trop près de Vaiana2.Maui6 l'indépendantiste : un peu sectaire mais si gentil avec nous. Il est avec ses deux fils, Maui6a le beau gosse et Maui6b le DJ, les femmes et les petits-enfants sont à Maupiti. On fera le samedi soir une fête chez lui avec four polynésien et tout et tout. Maui6 boit "à la polynésienne", c'est à dire qu'il boit tout ce qui passe, son como, la bière et le vin qu'on a amené, éventuellement en mélangeant le tout. Ce n'est qu'une fois qu'il a fini de boire (et ça peut durer longtemps), qu'il mange et va se coucher aussitôt après.
On aura compris qu'il est dans le top de nos mopéliens préférés.
Dans la photo, remettre les vignettes dans le bon ordre !!!
Maui7 et Vaiana4, les vieux de la vieille : il était là il y a 10 ans à la création de la coopérative, elle était là il y a 20 ans quand il y a eu le cyclone et qu'ils se sont réfugiés dans la citerne en béton.