Suvarov (Suwarrow) - 30 Avril au 5 Mai 2018



D'autres photos : https://photos.app.goo.gl/ydHQ7JbgK1BX7ZF72


Mise à jour quelque temps plus tard : pour dire que nous étions un tantinet clandestin à Suwarrow puisque nous étions avant l'arrivée des rangers mais que nous avons respecté toutes les règles édictées sur le panneau devant le mouillage (pas de crabes avec oeufs, pas d'oeufs d'oiseaux, pas de coquillages, aucun détritus sur l'ile, ...) ... sauf la première qui est de ne pas venir avant le 1er juin. Nous ne savions pas. Nous avons laissé une enveloppe à l'intention des rangers avec le montant du droit d'entrée.

L'île du désir, l'île qui fait rêver lorsque l'on a lu le livre de Tom Neale, ou que l'on regarde les photos prises par le drone de Yves.  On peut aussi, tout simplement, l'appeler l'île sauvage aux crabes. En fait il s'agit d'un atoll, dont l'île principale est l'îlot Anchorage. L'atoll comporte plusieurs îlots ou motus, il est grand comme Mopélia environ, soit un carré de 20 km de diagonale. Il est inhabité, c'est un parc national des îles Cook. Nous y arriverons seuls, les gardiens du parc ne sont pas encore venus s'y installer pour la saison (Juin à Novembre), et il n'y a pas d'autre voilier. Seuls les animaux, les bruits et l'anxiété nous tiendront compagnie. Mais les couleurs de l'eau sont prodigieuses, rivalisant sans complexe avec celles de Bora-Bora, et les cocotiers se comptent par milliers.


L'île aux crabes


- les crabes de cocotier: ils sont beaux avec une forte carapace de couleur bleu-roi ou orange, avec deux grosses pinces et des antennes devant les yeux. Ils sont féroces, ils arrivent à ouvrir des noix de coco avec leurs grosses pinces (donc il peuvent briser facilement un doigt) mais ils ne sont pas très rapides à la course, ce qui facilite bien leur capture. Ils sont très nombreux sur l'îlot Anchorage, avec des petites des moyennes et des très grosses tailles, les petits sortent en plein jour sans souci et les gros plutôt la nuit seulement. Ils mangent des cocos ou des fruits du pandanus, pour les attraper il s'agit donc de les nourrir avec des cocos coupées en deux et attachées à un tronc avec une ficelle, de façon à ce que le crabe n'emmène pas la coco préparée rien que pour lui dans son terrier. Ils sont pas bêtes du tout, on y a cru pourtant vu la facilité avec laquelle on en a entravé un grâce à deux lassos enfilés sur deux pattes différentes, eh bien pas du tout le crabe capturé a réussi dans la nuit non seulement à se libérer de ses lassos mais aussi à sortir du bidon où on l'avait mis, pourtant avec un couvercle, mais sans pierre sur le couvercle .... IIs sont délicieux à manger, que cela soit nature, à la mayonnaise, au lait de coco, en curry, à la crème fraîche, etc. Et un gros crabe de cocotier fait un bon repas pour deux. Pendant les cinq jours qu'on a passé à Suvarov, on a bien dû en attraper et en manger une dizaine, petits moyens ou gros, jusqu'à satiété, on n'avait jamais connu ça ailleurs.




- les crabes bernards-l'hermites, ils sont affreux bien que souvent de couleur vive orange ou rouge, ils ont des poils partout, ils promènent leur maison (un coquillage vide) partout avec eux, et ils font du bruit en se déplaçant. Ils sont très très nombreux sur cet îlot Anchorage, et souvent assez gros, jusqu'à la taille d'une balle de tennis par exemple. Ils mangent aussi de la coco, et on a vu des tout petits se régaler en venant manger les débris de gros qu'on avait tué pour appâter les requins (ce sera raté....). Mais ces bernards-l'hermites, un peu charognards sur les bords donc, ne sont pas bons à manger pour nous, ouf !



- les crabes toe-toe, ou crabes des plages, avec beaucoup de carapace et peu de chaire, il y en avait des comme ça au Brésil et aux Gambiers. Ils sont petits, une demi-main environ, ils sont vifs mais pas très jolis. Il y en a partout, à l'intérieur de l'îlot comme sur le bord de mer. Il parait que ça se mange mais nous on n'a pas eu envie d'essayer.

- et enfin les petits crabes tout mignons qui se reposent tranquillement et se laissent photographier sans montrer le moindre signe d'inquiétude, comme si ils nous avaient pas entendu arriver.



Avec tous ces crabes on se dit qu'on ne serait pas ravis ravis s'il nous fallait passer une nuit à terre sur l'îlot en leur compagnie.


Les bruits à Suvarov
On est tout seul dans l'atoll mais ce n'est pas le silence.

- le ronronnement du récif, il est là en permanence, on l'entend peu le jour et beaucoup plus la nuit, parfois ça donne même l'impression qu'il y a un générateur en train de fonctionner sur l'île, ou un autre bateau en train d'arriver

- un bruit sourd, mat, isolé, c'est le bruit de la noix de coco mûre qui tombe du cocotier, quelque part dans la cocoteraie, plus ou moins loin de nous selon l'intensité du bruit



- des sifflements très aigus, c'est le grésillement des moustiques quand on débarque sur la plage la nuit, il y en a tellement qu'on ne sait plus où donner de la tête, et justement il faut la bouger tout le temps la tête si on ne veut pas être trop piqués. On les entend aussi dans la journée, mais ils sont moins nombreux à attaquer ensemble, heureusement.

- des crépitements discrets, ce sont les craquements des feuilles de cocotiers sur lesquels marchent les bernards-l'hermites, souvent on les entend se déplacer avant de les voir

- le piaillement intense, ressemblant au bruit multiplié par 10 d'une cour de récréation, ce sont  les cris d'alerte des noddis (oiseaux ressemblant aux sterns mais noirs) sur l'îlot Whale, ces oiseaux ont déjà pondu et s'occupent de leurs oeufs et des plus jeunes déjà éclos, en nous considérant comme très menaçants (avec presque raison ....)




- le tirlitt du courlis de l'alaska, oiseau brun au bec courbe, qui nous précède dans nos promenades sur le récif, tout en se régalant régulièrement de tout petits crustacés ou poissons qu'il ramasse ici et là

- et aussi l'arrêt brutal du moteur hors-bord, comme un hoquet, quand on a touché une patate en allant (ou revenant) en dinghy à la jetée.


Anxiété : ce qu'il vaudrait mieux éviter qu'il nous arrive compte-tenu de l'isolement

Il y a des situations où l'on préfèrerait ne pas être tout seul, ni même à deux seulement au cas où l'un de nous deux deviendrait subitement HS.

- se faire pincer le doigt par un crabe de cocotier, ça ferait une fracture ouverte, on y mettrait bien sûr une attelle et ça finirait par guérir, mais ça ne ferait plus que trois mains sur quatre de disponibles pour les manoeuvres du bord

- perdre l'annexe comme cela nous est déjà arrivé plein de fois, mais là pas d'autre voilier pour aller la récupérer, et si on s'en aperçoit tard elle pourrait être déjà loin, à plusieurs milles de distance, la seule solution consisterait alors à revenir à la nage au bateau (brr les requins) et ensuite à aller chercher l'annexe avec Orionde

- coincer son ancre dans une patate un peu profonde obligeant à sortir la bouteille de plongée pour la décoincer, tout en sachant que les requins ne seront pas loin, et que si c'est coincé à 10 m ou plus de profondeur, ça va être difficile et peut-être sans succès si on n'a pas de chance du tout

- tomber malade, avec par exemple fièvre et frisson, ou début de SPT comme c'est arrivé à d'autres, et qu'on n'a plus beaucoup d'antibiotiques à bord, et que le premier bled où trouver une pharmacie ce serait les îles Samoa à cinq jours de navigation de Suvarov

- avoir un gros pb avec le bateau comme perdre toute son eau douce ou avoir un ennui mécanique ou avoir touché une patate qui torde le safran. A chaque pb une solution possible bien sûr - faire bouillir l'eau de la citerne de l'îlot Anchorage - téléphoner à Jean-Marie à St Raphaël pour avoir une aide en ligne pour le moteur - beacher Orionde en profitant des 60 cm de marée de façon à tenter de rectifier le safran et le bloquer en position basse - mais nous n'avons pas eu de malchance, les problèmes ont été évités, ouf !

Finalement l'isolement a du bon c'est sûr, cela fait partie du charme de la promenade à Suvarov, c'est juste que cela nous oblige à penser souvent différemment, avec ce rappel constant de ne pouvoir compter que sur nos propres forces. On en a, mais elles ont leurs limites aussi.